DESIGNQuel est le point commun entre Daft Punk et Roche Bobois?

Quel est le point commun entre Daft Punk et Roche Bobois?

DESIGNL’exposition « No Taste for Bad Taste, so Starck, so Bouroullec, so le French Design » s’interroge sur ce qu’est le French Design…
Anne Demoulin

Anne Demoulin

Et si Air, Daft Punk, Cassius et Laurent Garnier rimaient autant avec French Touch que Fermob, Roche Bobois, Starck et Ligne Roset. Pilotée par l’Ameublement français et le VIA (Valorisation de l’innovation dans l’ameublement), l’exposition No Taste for Bad Taste, so Starck, so Bouroullec, so le French Design a ouvert ses portes ce mercredi à l’Institut français de Milan, pendant le Salone del Mobile. Exhibant une sélection de 40 pièces maîtresses du design français, cette exposition voyagera pendant deux ans dans plus de 20 pays afin de montrer au reste du monde ce qu’est le French Design, avant d’être présenté à Paris. Si on se fait généralement une image assez claire de ce qu’est le design italien ou scandinave, comment définir le design français ?

Pas un style français, mais une touche française

40 personnalités éclectiques ont planché sur la question, dont des designers comme Matali Grasset ou Matt Sindal, des architectes comme Jean-Michel Wilmotte, des créateurs de mode comme Chantal Thomass, des figures du monde de l’art, comme Paola Antonelli du MoMa ou Chloé Pitiot du Centre Pompidou, des philosophes comme Gilles Lipovetscky, des patrons comme Christian Blanckaert, directeur général d’Hermès International, des journalistes comme Ariel Wizman et même un chef étoilé, Guy Savoy.

Cocorico ! « Ces personnalités ont rapidement attribué 10 valeurs au French Design, à savoir l’art de vivre, l’élégance et la touche de luxe, l’ouverture culturelle, l’équilibre, le savoir-faire, le panache, l’audace, l’héritage, la créativité et l’innovation durable, détaille Bernard Reybier, le président du VIA. On ne peut pas dire qu’il y a le style français, en revanche, on parle d’une touche française. » Subtil...

L’héritage d’une histoire riche

Si on a tant de mal à définir le design français, c’est qu’il n’est pas « figé dans un style », parce que la France est un pays « ouvert culturellement depuis des siècles », note Bernard Reybier.

Le design français, ce n’est pas qu’une apparence mais c’est parler « d’une colonne vertébrale invisible de notre histoire qui va du Haut Moyen-âge à nos jours », considère Jean-Charles de Castelbajac, qui a conçu la scénographie de l’exposition itinérante autour de la notion de « nomadisme », qui a pris la forme d’un « camp de toile », en référence au camp du Drap d’Or.

« Le design français, c’est revisité quelque chose différemment avec des racines très fortes et en faire quelque chose de nouveau, mais c’est toujours cultivé », confirme l’architecte d’intérieur Pierre Yovanovitch.

Jean-Charles de Castelbajac, qui a fait ses armes aux côtés de deux grands noms du design, Roger Tallon et Andrée Putman, estime que le design français se caractérise par « le faux classicisme », à l’image de ces chaises médaillon Jacob que Jean-Charles de Castelbajac a fait recouvrir de tissus au motif camouflage. Un mélange de « rigueur et de fantaisie ».

Un esprit français fait de « poésie » et « d’impertinence »

« La France est reconnue pour son art de vivre, son architecture, sa beauté, son champagne, mais l’esprit français circule aussi au travers du stylo Bic, considère le designer Patrick Jouin. Il y a des obsessions françaises comme l’élégance, l’équilibre, la poésie, et l’impertinence. Ce qui est typiquement français, c’est d’essayer de mettre tout cela dans un même projet, alors qu’un objet, normalement, depuis le Bauhaus et la modernité, ne doit être que forme et fonction. » Même son de cloche chez Franck Millot, directeur commercial de Maison & Objet : « Il y a de la poésie, une dimension artistique, des liens qui enrichissent le produit au-delà de sa valeur d’usage. »

« Dans le design italien, il y a de l’humour, dans le français, de l’esprit », juge Jean-Charles de Castelbajac. « On a une fantaisie en plus, une élégance mais avec du piquant », renchérit Chantal Thomass. Ce petit « je ne sais quoi » comme disent les Américains, qui fait du design français quelque chose de différent.