«Gender fluid» : Et si on assistait à la fin des genres masculin et féminin?
PHENOMENE•Fini le temps où le monde n’était que binaire, avec le gender fluid, la jeune génération abolit les frontières entre masculin et féminin…
Anne Demoulin
Et si la génération Z abolissait les frontières entre le masculin et le féminin ? Au fil des récents défilés no gender, des collections unisexes et des stars asexuées, le phénomène gender fluid conteste la binarité, les codes et les stéréotypes socialement associés au genre. Figure de proue du mouvement, , devenue porte-parole d’une « nouvelle génération de leaders », de ceux « qui refont le monde ». Le point sur cette révolution vestimentaire, culturelle et militante.
« Sortir de la binarité fille/garçon »
Gender fluid, agender, neutral, bigenre, pangender ou encore no gender, une et de définitions sur les dictionnaires contributifs désigne cette « dynamique identitaire qui mixe le masculin et le féminin selon les jours et aboutit à la neutralisation des genres », résume Karine Espineira, sociologue et auteur notamment de Transidentités : Ordre et panique de genre. Le réel et ses interprétations. « Etre gender fluid, c’est sortir de la binarité fille/garçon, passer de l’un à l’autre, pour finalement embrasser une multitude d’identités », explique Alice Pfeiffer, journaliste mode au Monde et aux Inrocks, spécialiste des problématiques autour du genre.
56 % des 13/20 ans connaissent une personne qui se qualifie à travers des pronoms neutres (au lieu d’une utilisation classique du masculin/féminin), 74 % considèrent que « le genre ne définit pas une personne autant qu’avant », et 48 % se considèrent comme « complètement hétérosexuels », selon une . Pour la génération Z, la frontière entre le féminin et le masculin est obsolète.
« On peut choisir ce qu’on veut être »
« J’ai toujours considéré qu’être une femme était un obstacle, donc j’ai voulu devenir neutre en termes de genre », explique Christine (and the Queens) dans les pages du Time. « Il n’y a plus de genre. Homme ou femme, maintenant on peut choisir ce qu’on veut être », résume , le créateur du label Vetements et le nouveau directeur artistique de Balenciaga.
La garçonne des années 1920, le smoking d’Yves Saint-Laurent en 1966, la jupe de Jean-Paul Gaultier en 1985, l’allure unisexe de Calvin Klein dans les années 1990…. « La mode a toujours aimé jouer avec les codes des genres », note Alice Pfeiffer. Jonathan Anderson, Alessandro Michele, Riccardo Tisci, Guram Gvasalia, les directeurs artistiques respectifs de Loewe, Gucci, Givenchy et Balenciaga inventent une mode gender fluid. « La collection “Gentral Neutral” Gucci homme été 2016 est particulièrement intéressante, note la journaliste de mode, Le vestiaire féminin a toujours emprunté au vestiaire masculin, ce qui est nouveau, c’est le fait que le vestiaire masculin emprunte des teintes ou des matières associées au féminin. »
On s’échange désormais les vêtements sans complexe. Tom Ford et Tommy Hilfiger font défiler les collections homme et femmes sur le même podium. Nicolas Ghesquière habille Jaden Smith en robe pour la campagne printemps-été 2016 de la noble maison française Louis Vuitton.
a« Quand Jaden Smith porte une jupe, ce n’est pas une jupe de femme. Il s’habille juste avec un vêtement dont la coupe et la forme lui plait. Il réussit à neutraliser la jupe », estime la sociologue.
« Le revival du sportwear s’inscrit ici. C’est la première mode unisexe, faite avec des textiles techniques non genrés », remarque Alice Pfeiffer. Si le bas de soie est associé au féminin, la basket n’a pas de genre. Seule limite, « la réalité biologique, qui empêchera une femme avec une forte poitrine de fermer une chemise », considère la journaliste de mode. Le très respectable magasin londonien Selfridges lance une section, la plateforme de vente en ligne , et le Japon a ses « ».M.A.C. vend des crèmes et fards à paupières, Calvin Klein lance le parfum CK2, no gender. Au-delà de l’aspect marketing, on mue vers une société moins genrée, où l’homme et la femme seraient égaux.
« Je ne suis pas un mec, je ne me sens pas vraiment comme une femme »
David Bowie, Boy George ou Prince sont les précurseurs du mouvement Gender fluid. « . Le sexe biologique, le genre et l’orientation sexuelle n’ont rien à voir », souligne la journaliste.
Le gender fluid est porté par les stars de la pop culture. Les icônes de la génération qui a baigné les réseaux sociaux. « Je ne m’identifie à aucun genre. Je ne suis pas un mec, je ne me sens pas vraiment comme une femme », affirme , une des stars d’Orange is the Black. « Je ne me sens pas lié au fait d’être une femme ou un homme », . « Les stars hollywoodiennes comme Kristen Stewart peuvent faire leur coming out et apparaître un jour en look tomboy, le lendemain, en look très féminin. Avec des célébrités comme Ruby Rose, cela permet d’avoir des idéaux féminins diversifiés », se réjouit la journaliste de mode. Le rappeur Mykki Blanco, Stromae ou le chanteur de Moodoïd Pablo osent mélanger virilité et féminité. « C’est une nouvelle façon de vivre et de penser en dehors d’un système établi », commente la sociologue. Un mouvement culturel, social et militant « qui renvoie au mouvement transgenre des Etats-Unis, à la pensée féministe. La question a un lien avec la pop culture et l’activisme ». Etre gender fluid, c’est contester pour construire une identité à soi plus libre que jamais.