Comment les designers conçoivent la cuisine du futur
AVANT GARDE•L'exposition «Cooking the future», organisée dans le cadre de la Paris Design Week, présente les ustensiles de la cuisine de demain...Anne Demoulin
Quels seront les enjeux de la cuisine de demain ? Telle est la question sur laquelle ont planché les étudiants du (Design pour le Luxe et le Savoir-faire) de l’ECAL (Ecole cantonale d’art de Lausanne). Leur réponse ? Vingt-trois projets d’ustensiles de cuisine, créés sous la houlette de , manufacture d’ustensiles de cuisson et inspirés par le chef triplement étoilé Yannick Alléno, réunis dans l’exposition « Cooking the Future » (« Cuisiner le futur »), inaugurée ce jeudi à la dans le cadre de la .
Au menu, pas de « tourniquette pour faire la vinaigrette » comme chantait Boris Vian dans sa Complainte du progrés, mais une « Poêle Marais Salants » bizone, une « Dame de nage », qui permet de fixer une spatule à sa casserole, ou encore une louche saucière, baptisée « Ladle ». Des ustensiles de cuisine beaux, malins, parfaitement réalisés et qui racontent à leur manière la société de demain.
Plus enracinée
« Le design est entré, sous l’influence d’Ikea, dans nos intérieurs par le biais de la cuisine et de la salle de bain, et avec lui, le contemporain », résume François Delclaux, consultant en design à l’agence et directeur artistique du projet. Cuisiner et goûter sont deux activités où se jouent à la fois des pratiques ancestrales et des enjeux futurs, à venir et à créer.
« Les étudiants ont su parfaitement s’emparer des savoir faire anciens. Il n’y a rien de futuriste dans les projets présentés, la création d’aujourd’hui a besoin de racines », estime François Delclaux. « La question est qu’est-ce qu’on garde du passé et comment créer quelque chose de nouveau pour demain ? », détaille Valérie Le Guern Gilbert, présidente de Mauviel 1830.
Plus métissée
Les enjeux de la cuisine de demain sont d’ordre technologiques, gustatifs et esthétiques. « Les chefs sont de plus en plus demandeurs de produits plus design », constate Valérie Le Guern Gilbert.
« Pour être moderne, la cuisine, comme le design qui s’y lie, doit suivre l’évolution de l’homme. Ces objets reflètent la société d’aujourd’hui et son brassage ethnique », estime le patron du Yannick Alléno, qui se réjouit du fait qu’« un Japonais peut faire de la cuisine française ». Et lui apporter sa sensibilité. « Aujourd’hui, on passe sans transition du bœuf bourguignon au tagine ou aux sushis », souligne le directeur artistique.
Plus locale
« La cuisine de demain sera locavore », lance encore le chef. « Il y a depuis quelques années une prise de conscience sur la qualité des aliments et des produits frais », souligne le directeur artistique. Après la ruée vers les marchés bios, la question du mode de cuisson va devenir essentielle. Il s’agit de « retrouver la saveur primitive des aliments ».
Plus lente
Et de mettre un zeste de lenteur dans la cuisine. « On a tout ce qu’il faut pour cuisiner vite (micro-ondes, surgelés, etc). Si l’on souhaite manger rapidement, on commande sur Deliveroo. Nos villes sont devenues un gigantesque room service. On va cuisiner moins souvent, mais mieux et plus lentement », estime François Delclaux. « Cooking the future » propose pas moins de quatre projets de cuisson à la vapeur, mais aussi un fumoir ou un cuiseur à asperges vertical. « Cela pose aussi la question de la diététique », rappelle le chef.
Plus économe
« Les ustensiles de cuisine sont de plus en plus ergonomiques. Les casseroles ne pèsent plus une tonne, mais surtout, les réflexions sur les batteries de cuisine concernent l’emmagasinement calorique », analyse le chef. L’écologie et l’économie d’énergie sont au cœur des projets présentés comme la « Poêle élévation » qui dispose d’une partie surélevée qui permet de maintenir au chaud un aliment pendant qu’un autre cuit. « Cela ouvre la porte à cuisiner autrement, pour le professionnel comme le particulier », se réjouit le chef. Cuisiner autrement, pour un autre monde.