Virtuose du destructuré, Anne Valérie Hash se dévoile à la Cité de la Dentelle et de la mode
MODE•La Cité de la Dentelle et de la mode à Calais consacre l’exposition « Anne Valérie Hash. Décrayonner » à l'ex-directrice artistique de Comptoir des Cotonniers, l’une des rares Françaises à avoir défilé en haute couture…Anne Demoulin
Le temps d’une pause, la discrète Anne Valérie Hash se dévoile. La Cité de la Dentelle et de la mode à Calais déroule les 13 premières années de création de l’une des rares Françaises à avoir défilé en haute couture. « Anne Valérie Hash. Décrayonner » déballe jusqu’au 13 novembre une centaine de pièces vestimentaires extraites des archives personnelles de la Maison Anne Valérie Hash – à l’exception de prêts du Palais Galliera-Musée de la Mode de la Ville de Paris, et détaille l’univers de la virtuose du déstructuré. Et de dépeindre une figure majeure de la couture, trop méconnue du grand public.
« Décrayonner »
L’exposition décline le processus de création et de fabrication d’une couturière qui n’aborde pas le travail de couture par le crayon, mais par le ciseau et l’aiguille. « “Décrayonner” est un néologisme qui fait référence au vocabulaire de la couture, le “dé”, ici, pas de traces de crayons, de croquis ou d’esquisses, mais les traces de “craie” des tailleurs », décrit Sylvie Marot, commissaire de l’exposition. Et défilent les toiles, bâtis et autres patrons, autant de « brouillons de vêtements ». Les vêtements se découvrent sans vitre, sans filtre.
Sur les cartels est détaillé le nombre de morceaux qui a servi à constituer le vêtement. Dans chaque vitrine, un texte crayonné à la craie, des vêtements, et des photographies réalisées spécialement pour l’occasion par Fabrice Laroche, un proche collaborateur d’Anne Valérie Hash.
« Débâtir »
De la première pièce, une robe construite à partir d’un pantalon d’homme, à la dernière, un costume tailleur en dentelle et tissu réfléchissant, l’exposition développe un parcours thématique organisé autour du lexique de la couture où il est question de « débâtir », « détisser » ou encore de « déplier ». Depuis sa première collection en 2001 dénommée « Fillemâle », Anne Valérie Hash défend son style et définit son identité : un vestiaire masculin totalement débâti pour élaborer un vestiaire féminin. La couturière débâtit, découd et recoud. « Son luxe consiste à prendre le temps de défaire et de faire », déclare la commissaire. Et le visiteur découvre eu à peu comment un pantalon peut devenir une veste, l’art des disproportions, la dissymétrie : « Certaines pièces ont défilé portées dans plusieurs sens », décrypte Anne Valérie Hash. « J’adore le travail d’atelier et les accidents », défend-elle encore.
« Détendre »
Après 13 années d’audace dans ses collections et une année à la direction artistique de Comptoir des cotonniers, Anne Valérie Hash décide de faire une pause : « J’étais devenue prisonnière du rythme des collections », déplore-t-elle. « Je voulais archiver mes créations et j’ai rencontré Sylvie Marot », dépeint la créatrice. Lorsque la Cité de la Dentelle et de la mode lui propose de monter une exposition et de la faire « entrer au musée », Anne Valérie Hash dégaine : « C’est trop tôt, je suis vivante ! ». Elle craint « un manque d’humilité ». « Maintenant que l’exposition est montée. Je suis ravie de partager mes créations avec la jeune génération. Tout est posé, bien rangé dans le respect du travail de mes équipes, de toutes ses heures passionnées de couture ». Anne Valérie Hash affirme avoir « déposé les armes ». « C’est le début d’une nouvelle histoire, laquelle ? », s’interroge-t-elle. Déconstruire pour mieux reconstruire, telle est le concept qui défini au mieux son œuvre.