MODELa religion a toujours été à la mode

Pourquoi les symboles religieux fascinent les créateurs de mode

MODEA l’heure de la polémique autour de la mode islamique, retour sur les liens tissés entre la mode et la religion…
Anne Demoulin

Anne Demoulin

Une immense polémique. Avec sa première gamme de hijabs et d’abayas, Dolce & Gabbana a provoqué un tollé, d’ Elisabeth Badinter à Pierre Bergé en passant par Manuel Valls. Jean Paul Gaultier, Yves Saint Laurent, John Galliano… On ne compte pourtant plus les créateurs et les marques qui se sont amusés à utiliser le voile ou tout autre élément à forte connotation religieuse chez les chrétiens, les juifs ou les musulmans. Pour quelles raisons ? Et comment la mode n’a jamais cessé de tisser des liens avec les fils sacrés de la religion ?

Comment la religion inspire les créateurs ?

« Dolce & Gabbana a bâti son territoire de style sur la religion », note Bruno Bénédic, consultant en stratégies de marques mode et enseignant à Esmod-Isem et Mod Spé Paris. Boucles d’oreilles en croix, robes à l’effigie de saints, talons en forme de Sacré-Cœur, la collection automne-hiver 2014 de la griffe italienne s’inspirait des mosaïques de la cathédrale de Monreale en Sicile. « Domenico Dolce et Stefano Gabbana jouent la préciosité religieuse. Ils glamourisent l’élément religieux et l’utilisent comme une décoration baroque, et ils ne sont pas les seuls », rappelle Bruno Bénédic.

« Les liens formels et stylistiques entre la mode, le vêtement et la religion ont toujours existé », lance Martine Villelongue, maître de conférences en Histoire de l’Art, responsable de la filière Mode à l’université Lumière Lyon-II.

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« L’art religieux est utilisé chez Alexander McQueen, Valentino ou encore Jean Paul Gaultier », remarque Bruno Bénédic. D’autres créateurs utilisent l’élément religieux pour provoquer : « John Galliano, Jean Paul Gaultier ou Vivienne Westwood mixent les éléments religieux avec des éléments punk ou gothiques. Ils confrontent ainsi le religieux avec le profane », commente Bruno Bénédic.

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L’épure des vêtements religieux nourrit la création. « Coco Chanel s’est inspirée des vêtements stricts du pensionnat religieux. Chloé a fait des robes proches de l’aube. Jean-Charles de Castelbajac a créé des vêtements liturgiques à l’occasion des JMJ. C’est une constante du dictionnaire des formes de la mode », analyse encore l’expert.

Le point commun entre tous ces créateurs ? « Il s’agit d’une lecture non confessionnelle de l’objet religieux, mais esthétique. Une chose difficile à faire dans les pays où le sentiment religieux est fort comme en Russie ou dans certains pays musulmans », souligne Bruno Bénédic. Lorsqu’en 1994, Claudia Schiffer défile pour Chanel dans une robe brodée de versets du Coran, le recteur de la mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, dénonce une « profanation ». La maison de couture s’excuse et détruit la robe. « Lorsque la mode touche aux objets de culte, touche-t-elle au culte ? », s’interroge Bruno Bénédic.

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En 1997, le couturier d’origine turque Hussein Chalayan ose pourtant faire défiler des mannequins dans six burqas, dont la dernière laissait voir le corps de la femme entièrement nu.

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Comment la mode s’est mise à croire en Dieu ?

Depuis quelques années, du Brésil à New York en passant par les pays du Golfe, la mode a érigé la pudeur (« modest » en anglais) en vertu cardinale. Chrétiens, juifs et musulmans adoptent le « modest clothing », des vêtements « conformes » à leur idéologie religieuse. Des marques de « modest clothing » comme la chrétienne Heart OMG ou la multiconfessionnelle Mimu Maxi ont émergé et rassemblent désormais de nombreuses fidèles. La marque française Talister revisite le Talite katane avec une touche de streetwear.

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« Le “Modest Clothing” traduit la volonté d’appartenance à une orthodoxie. Le vêtement concrétise la croyance, analyse Bruno Bénédic. Cela traduit un besoin de spiritualité, externalisé par le vêtement. » « La mode s’inspire de l’actualité, reflète la société, révèle l’air du temps », explique Martine Villelongue.

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Posted by MIMU MAXI on Friday, February 12, 2016

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Les mipsterz (contraction de « musulmane » et de « hipster ») ou hijabistas jouent à armes égales avec le reste la fashion sphere. « Les marques ont compris qu’il y avait une demande d’abayas logotés », souligne Bruno Bénédic. En 2014, DKNY, qui appartient à LVMH, lance une collection « DKNY Ramadan ». Mango suit en 2015.

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Des enseignes internationales comme Uniqlo et Marks & Spencer proposent depuis peu des hijabs ou des maillots de bain couvrant l’intégralité du corps, excepté le visage et les mains. « Une question sensible, voire épidermique au vu du contexte en Europe depuis 1 an. Et plus particulièrement dans la France laïque où l’appartenance religieuse du vêtement est désacralisée », rappelle l’expert.

Un rapport au vêtement non déconnecté de la confession, loin de l’esprit contestataire de la mode. « Tout est permis aujourd’hui, les sandales en hiver, les bottes en été, les tatouages, donc on se crée de nouvelles règles. La mode relève du choix individuel, de la liberté individuelle », estime Bruno Bénédic. « Une des fonctions de la mode est de bousculer, d’interpeller », renchérit Martine Villelongue. In fine, un débat sain, « qui remet du sens dans le vêtement » se réjouit Bruno Bénédic et prouve que la mode n’est pas si futile que ça !