CUISINELa bistronomie est morte, vive la cuisine faubourgeoise de «Dersou»

La bistronomie est morte, vive la cuisine faubourgeoise de «Dersou»

CUISINELe Guide du Fooding 2016 met à l’honneur des chefs qui proposent une nouvelle façon de cuisiner, plus « ancrée dans l’époque » et décomplexée…
Stéphane Leblanc

Stéphane Leblanc

La bistronomie c’est fini, à en croire le Fooding dont le Guide 2016 est sorti ce jeudi. « Ce terme, inventé à l’aube du 3e millénaire pour désigner la cuisine savoureuse et abordable inventée par Yves Candeborde et Christian Etchebest, est devenu trop réducteur pour embrasser le goût de l’époque », défend Alexandre Cammas, commis en chef de cette association de critiques gastronomiques et de gourmets branchés. Pour ses quinze ans, le Fooding a créé une nouvelle expression : la « cuisine faubourgeoise », celle qui vient des faubourgs parisiens (la gentrification est passée par là), histoire de continuer à mettre la « vraie » cuisine bourgeoise sens dessus dessous, non sans avoir préalablement « fait griller tous les bobos » – dont Alex et sa bande faisaient partie.

« Notre vocation, c’est de défendre une cuisine en mouvement, prévient Cammas : les chefs mondialement réputés (Inaki Aizpitarte) et les plus créatifs (Alexandre Gauthier), mais aussi le meilleur de la street food, les apports d’une nouvelle génération de chefs japonais, américains, espagnols, australiens venus faire leurs classes en France – et avec quelle classe !, et les vertus insoupçonnées des cuisines vegan/bio/gluten free. » De l’audace et des saveurs à l’opposé des conservateurs et des conservatismes.

Dersou, « la claque de l’année »

A ce petit jeu, c’est Dersou, restaurant atypique, qui se distingue cette année. « La claque de l’année », titre le Fooding, qui parle d’« expérience totale », avec d’« invraisemblables accords mets et cocktails ultra-toniques ». Les menus-dégustation à 90 et 120€, que l’auteur de ces lignes a testé un soir sur ses propres deniers, sont effectivement exceptionnels de finesse et d’équilibre et valent bien le Fooding de la Meilleure table décerné par le Guide 2016.


Taku Sekine et Amaury Guyot, chef et bartender du restaurant Dersou, à Paris - DESSIN LEWIS TRONDHEIM/GUIDE DU FOODING 2016

Une cuisine conçue à l’instinct par un tandem de trentenaires « magic’n’roll », comme l’écrit le Fooding dans son guide, mais concoctée avec la science de ceux qui maîtrisent à la perfection le langage des produits et des saveurs. « Les ingrédients sont inventoriés le matin, la carte du soir annoncée en début d’après-midi, les cocktails imaginés dans la foulée, et rectifiés après avoir dégusté les plats en fin d’après midi », raconte à 20 Minutes le chef Taku Sekine.

Citons l’un d’eux, parmi cent : le pigeon rôti dont la photo illustre cet article, et qui se retrouve dans une assiette copieuse, joyeusement accompagnée d’une compotée de rhubarbe, de radis blancs et de jus de betterave. Le verre qui s’accorde mêle Nikka From The Barrel, réduction de jus d’orange, vermouth sec, porto, plus un soupçon de whiskies Nikka Pure Malt White et Pure Malt Black. Des notes à la fois fumées et acide, « parce que le vin, qu’on cherche à remplacer, est une boisson caractérisée par une très forte acidité », souligne le bartender Amaury Guyot.

Beaucoup d’adresses audacieuses primées en province

Quelques semaines après avoir été élu Chef de l’année par le Gault & Millau, Alexandre Gauthier reçoit un Fooding d’honneur pour ses trois restaurants de Montreuil-sur-mer : La Grenouillère (dont 20Minutes conserve un souvenir ému), L’Anecdote où Alexandre reprend les spécialités de son père, et Froggy’s Tavern, une annexe « pour clients gloutons », souligne l’édition 2016 du Guide.

>> A relire : Restaurant La Grenouillère, une invitation à « lâcher prise »

A la question « peut-on encore innover en cuisine ? », le Fooding répond encore oui à travers les autres adresses primées, qui décoiffent souvent par leur originalité. Beaucoup sont localisées cette année en région : Garopapilles à Bordeaux (Meilleure cave à manger), La Bijouterie, à Lyon (Fooding d’amour), La Bonne mère, à Marseille (Meilleure pizza), Le Mathurin, à Saint-Valéry-sur-Somme (Meilleure pêche), Isi, à Nice (Meilleure table d’hôte)…