La mixagination ou le mélange des talents: La recette de l’innovation selon Thierry Marx
TENDANCES•Invité du salon Osons la France et président du jury des Trophées INPI 2014, le chef étoilé a listé les ingrédients nécessaires à la création...Anne Demoulin
Thierry Marx est en permanente ébullition. Invité du salon Osons la France, le chef étoilé et son «cerveau collectif» tentent de clarifier quelques idées reçues sur la cuisine moléculaire et d’inventer le futur de la cuisine au Centre Français d’Innovation Culinaire (CFIC). le chef du Sur Mesure, le restaurant du Mandarin Oriental, a passé au tamis la Mixagination, thème des Trophées INPI 2014 dont il a présidé le jury, ou ingrédients nécessaires à l’innovation.
Mélanger les talents
«L’innovation est partout, dans les lycées, les entreprises, les universités», estime Thierry Marx. Il faut décloisonner ces mondes. Au CFIC, le chef collabore avec le physico-chimiste Raphaël Haumont. «La fusion entre l’artisanat et la recherche» résume-t-il.
De cette association naissent des innovations. Ils ont par exemple découvert que la partie blanche des agrumes contient de la pectine. Ce gélifiant naturel permet de réaliser une marmelade bio, instantanée et sans sucres. Une belle perspective pour les diabétiques!
«Dans un incubateur, on met dans un même bocal des gens qui n’ont rien à voir les uns avec les autres. Et c’est pour cela que ça marche», rappelle Yves Lapierre, directeur général de l’INPI.
Affranchir la tradition
«Un plat classique est un plat moderne qui a réussi à une époque», ironise Thierry Marx. «Innover, c’est accepter de remettre en question des choses, d’être franc-tireur», poursuit-il.
Le chef n’oppose pas pour autant tradition et innovation. Thierry Marx et Raphaël Haumont ont paré au problème sanitaire que pose de la clarification d’un consommé, grâce à «une centrifugeuse à 3000 tours qui clarifie un consommé en 16 secondes», précise le chef. Un classique qui va réapparaître sur les cartes des restaurants.
Cerner les erreurs
Un échec est un pas vers la réussite. «Dans la culture anglo-saxonne, on a le droit à l’erreur. En France, on a trop peur de l’erreur», souligne Yves Lapierre.
«Faisons l’analyse causale des échecs, mais arrêtons avec la dramaturgie de l’échec», recommande le chef, évoquant la tarte Tatin, née d’une erreur.
Incorporer ses découvertes
«L’innovation, c’est la rencontre entre une création et un marché», résume Yves Lapierre. Thierry Marx a mis au point des eaux de biscuit. «La pâtisserie liquide n’a pas marché en cuisine, mais ces eaux ont servi à la création d’une carte de cocktail sans alcool.»
«La microencapsulation avait peu d’intérêt en cuisine, mais le monde de la cosmétique s'en est emparé», se souvient le chef. Et l’entreprise Capsum est devenue une perle de l’innovation.
Enrober sa création
«Lorsqu’on a développé le Whif, nous n’avons pas déposé de brevet. Et on a eu tort!», conseille le chef. Un projet doit être protégé: «L’INPI protège la création, et accompagne les entreprises afin d’exploiter leurs innovations », rappelle Yves Lapierre.
Débrider le désir
«Innover, c’est respirer. Une entreprise qui n’innove pas a peu de chances de durer», estime le chef. Il faut savoir prendre des risques. «Si plus personne n’ose bouger, on va acheter ailleurs. A l’INPI, au CNAM, j’ai constaté que l’innovation française est hallucinante! Malgré la crise, des gens mettent la main au portefeuille pour un beau projet», constate le chef. «On ne sait pas ce qui germe dans la tête d’un jeune de 14 ans, il faut faire naître le désir d’innover», conclut Thierry Marx.