Pourquoi les pâtisseries françaises ressemblent à des bijoux...
GASTRONOMIE•Parfum, orfévrerie ou art contemporain, les artisans d'exception sont passés maitres dans l'art de s'inspirer des autres disciplines...Anne Demoulin
Tout un art. La pâtisserie française est «leader dans le monde», parce qu’elle a su «se renouveler sans arrêt», estime le chef pâtissier du Bristol, Laurent Jeannin. Comment? Les pâtissiers sont passés maîtres dans l’art de se nourrir des autres disciplines.
Travail d’orfèvre
A la porte de son laboratoire, Laurent Jeannin a affiché un extrait du Livre de pâtisserie de Jules Gouffé: «Le pâtissier doit connaître les éléments du dessin, de la peinture, de l’architecture […] Pour exercer son imagination et former son goût, l’ouvrier intelligent n’aura qu’à choisir parmi les nombreux objets qui s’offriront à son regard», relit-il avec enthousiasme.
«Un pâtissier complet doit pouvoir s’inspirer de tout», lance d’emblée Laurent Jeannin. «J’avais envie de mettre des abeilles dans l’assiette», explique-t-il par exemple au sujet d’une de ces dernières créations.
Pour les fêtes de Pâques, il a créé un œuf unique, inspiré de la collection Rose Piaget. «L’orfèvrerie et la pâtisserie sont deux mondes qui se rejoignent. Si je n’avais pas fait ce métier, je serais orfèvre ou designer», confie-t-il.
L'art pâtissier
«Tout est une histoire de rencontres. Il faut être curieux et s’intéresser à d’autres univers. Cela permet de progresser et ouvre d’autres horizons», confirme Pierre Hermé.
Il n’hésite pas à faire appel au designer Yan Pennor’s il y a quelques années pour créer une des pâtisseries cultes de sa maison, La Cerise sur le Gâteau.
«L’illustratrice Soledad Bravi m’a sollicité pour utiliser une de mes recettes. Puis, j’ai utilisé un de ses dessins pour une carte de vœux. Nous publions début mai un livre de recettes ensemble», raconte-t-il.
Pour Pâques, Pierre Hermé rend hommage à l’artiste suisse Beat Zoderer. «J’ai découvert son travail à Art Basel il y a quelques années. J’ai eu la chance de le rencontrer et de visiter son atelier. Quand il est venu voir la Maison Pierre Hermé à Paris, je lui ai proposé cette collaboration», raconte le pâtissier. «Dès que j’ai vu ses sculptures, l’idée de l’œuf s’est imposée comme une évidence», poursuit-il.
L'éveil des sens
Jean-Michel Duriez, nez de la maison Rochas, est un vieil ami: «Nous avons souvent fait des parallèles sur nos métiers respectifs». De cette amitié est né un livre de recettes.
Le parfum gourmand Angel de Thierry Mugler est devenu un éclair chez Fauchon: «Nous avons fait de nombreux essais et il nous a fallu pas moins de six saveurs différentes pour s’approcher au maximum du parfum Angel», explique Patrick Pailler, pâtissier Fauchon qui considère que «les nez et les pâtissiers ont les mêmes réflexes dans la validation des étapes de la création d’un produit.»
«J’aime travailler avec des créateurs de différentes disciplines, c’est toujours enrichissant, mais il faut de vraies affinités avec le travail de l’autre», conclut Pierre Hermé.