BEAUTESois belle, au naturel!

Sois belle, au naturel!

BEAUTETelle est la nouvelle injonction de la société, relayée par les médias et les campagnes publicitaires…
Anne Demoulin

Anne Demoulin

Des photos sans retouche, des stars sans fard et de vraies femmes comme égérie. La beauté s’affiche au «naturel». Une révolution, en apparence…

Dans le dernier numéro du Vanity Fair américain, Julia Roberts et Scarlett Johansson, entre autres, ont posé sans artifice devant l’objectif de Chuck Close. «Les Dieux descendent de l’Olympe», commente le sociologue David Le Breton, auteur de L’Adieu au corps (Métailié).

Un naturel construit

«Il s’agit d’être dans l’identification, et non plus dans l’idéalisation. Mais ce naturel est construit», relativise-t-il. De la cosmétique d’origine naturelle au maquillage nude, le naturel est un argument marketing.

Aerie montre des filles authentiques en lingerie, les magasins britanniques Debenhams recrutent des modèles de tous âges, de toutes tailles et parfois même amputés et American Apparel célèbre le système pileux sauvage.

«Seules 2% des femmes dans le monde se trouvent belles. La beauté doit être une source de confiance, pas d’anxiété», estime Isaure de La Rochefordiere, chef de marque Dove, qui met en scène depuis 2004 de «vraies femmes» dans le cadre de ces campagnes publicitaires.

«Nous voulons montrer qu’on peut tirer parti de ses petites imperfections et ne pas se fixer sur un idéal», explique la chef de marque. Et cela fonctionne: «Nos clientes sont fidèles et sont attachées à la marque», se félicite Isaure de La Rochefordiere.

«Tout le monde peut être beau»

La marque de lingerie Forever Yours a choisi comme égérie Elly Mayday, qui porte les stigmates du cancer sur son corps. «Alertée, la cliente va louer le courage de cette marque qui représente la fragilité de la condition humaine. Il s’agit d’une bonne opération symbolique», estime David Le Breton.

La femme serait donc libérée des diktats de la beauté? «Il s’agit en fait d’une nouvelle injonction: “Tout le monde peut être beau”, donc il n’y a plus aucune excuse pour être moche», déplore Justine Marillonnet, docteure en sciences de l'information dont la thèse portait sur les images de mode et des femmes dans la presse féminine.

«Avant, les mannequins jouaient à la femme. Il était clair qu’il s’agissait d’un mensonge, d’un fantasme», souligne-t-elle. Quand la photographe Jade Beall veut montrer la beauté d’un corps féminin après l’accouchement ou que Nadia Masot montre les cicatrices de Beth Whaanga dans Under the Red Dress Project, elles prescrivent que le corps féminin se doit être désirable en toutes circonstances, malgré les masectomies, les vergetures ou la cellulite.

La re-naturalisation du corps féminin

Montrer une ride ou un cerne n'enlève donc rien à la mise en scène du genre. «On ne voit pas de bedaines masculines à la une des magazines. C’est le corps féminin qui est re-naturalisé », constate Justine Marillonnet. Et ces modèles se présentent dans des postures féminisantes traditionnelles: bouche entrouverte, jambes croisées, tête penchée ou regard fixe. L'image de la femme à la beauté naturelle véhicule toujours autant de stéréotypes culturels.

«77 % des femmes n’aiment pas être prises en photo»

A l’occasion de la journée de la femme, le 8 mars 2014, Dove lance l’opération «Toutes Belles Toutes Différentes», soit six semaines de casting pour devenir l’une des 20 nouvelles égéries de la marque sur le site www.toutesbelles.dove.com. Les 20 femmes sélectionnées tourneront un clip le 4 juin. A l’heure des selfies, «77 % des femmes n’aiment pas être prises en photo, commente Isaure de La Rochefordiere, chef de marque Dove. Nous voulons encourager les femmes à entretenir une relation positive avec leur image face à la caméra.»