«Scènes de Ménage», «Bref»... Comment se fabriquent les formats courts qui envahissent nos télés?
TELEVISION•Le format court ne cesse de gagner du terrain en France, sous l'impulsion de producteurs et jeunes auteurs. Ils étaient réunis ce jeudi à l'occasion du festival «Séries Mania»...Annabelle Laurent
Il y a eu «Un gars, une fille», «Caméra Café» ou encore «Kaamelott». Les séries courtes ne sortent pas de nulle part. Mais elles n'ont jamais eu autant de succès, et de place sur les grilles des chaînes. A commencer par «Scènes de Ménage» sur M6, qui connaît des succès d’audience inespérés. Mercredi 19 avril la série a enregistré une part d’audience de 19,8%, un record. Plus besoin non plus de présenter «Bref », la série culte de Canal+. De son côté, le service public rattrape son retard. En prenant le risque d’aborder avec «Vestiaires» un sujet délicat, le handicap, France 2 a attiré 1,5 million de personnes en moyenne pour la saison 1. Un bon score qui a encouragé la chaîne à commander une saison 2, en cours d’écriture. Enfin, moins attendue dans cette table-ronde, la présence de la très sérieuse chaîne Arte, qui prépare trois nouvelles séries: «La minute vieille», et «Silex and the City» et «Juliette génération 7.0», toutes d’eux d’animation.
Autant de formats courts qui reboostent le PAF en apportant du neuf au téléspectateur. Et pour ceux qui nous les proposent? Le format court peut s’avérer un exercice d’équilibriste. 20Minutes fait le tour des défis relevés par ces courts à succès.
Scénario
Premier challenge lié à toute série: ne pas perdre le zappeur tombé par hasard sur le programme en allumant sa télé. Là où ça se corse, c’est quand on a deux minutes pour le séduire. Solution choisie par «Bref»: la voix-off. «Ca nous est très vite apparu comme le bon moyen de resituer le contexte pour celui qui prend l’histoire en cours», explique le co-auteur Bruno Muschio.
Autre parti-pris pour «Scènes de Ménage»: le concept, inspiré d’une sitcom espagnole, devait être lisible tout de suite. «Déjà, le titre parle de lui-même» note Yann Goazempis, le directeur du pôle humour de M6 responsable de la série. «Il fallait que le programme soit simple, accueillant, presque comme des planches de BD», raconte-t-il.
Une fois l’identité du programme définie, encore faut-il pouvoir faire évoluer la narration. «Dans les scénarii, on a distillé différents arcs narratifs: les parents, la guitare, la fille… qu'on allait retrouver au fur et à mesure», ajoute Kyan Khojandi, co-auteur de «Bref». Et quand on ne maîtrise pas l’ordre de diffusion? «On mélange chaque jour des inédits et des rediff’, donc les auteurs n’ont le droit à aucune évolution des personnages!» souligne Yann Goazempis.
>> L'interview de Kyan Khojandi et Bruno Muschio, les deux auteurs de «Bref», c'est ici.
Renouvellement
Deuxième défi: le renouvellement. Pour «Scènes de Ménage», plus de 20.000 situations ont déjà été créées autour de seulement quatre couples, explique l’équipe de la série. Le tout en tâchant d’«éviter l'écueil de faire comme «Un gars, une fille». L’inspiration ne s’épuise pas, à force? «On a commencé par développer le fritage homme/femme, puis il a fallu élargir le cercle, le cadre pro, les voisins... Ça nous a aidés d’élargir avec un nouveau couple», confie Yann Goazempis, le directeur du pôle humour de M6. Pour se renouveler, les auteurs de «Bref», qui ont dû rempiler pour 40 épisodes supplémentaires, invoquent «la cocaïne!» sous les rires de la salle, avant de reprendre plus sérieusement. «L’envie. Le fait de se lever le matin et de se dire, c'est vraiment cool ce qu'on fait.»
Différent retour du côté des auteurs de «Vestiaires», dont la saison 2 est actuellement en cours d’écriture. «Nous, notre facilité, c’est qu’on est tout le temps handicapé! On voit le monde autrement et c'est assez inépuisable», lancent Abda Abdelli et Fabrice Chanut, scénaristes, acteurs principaux et tous les deux handicapés.
Timing
Troisième challenge: le format est court, les délais aussi. «C’est le festival de l’urgence!» résume Kyan Khojandi de «Bref». Harry Tordjman, le producteur de la série détaille: «Un épisode de Bref, c’est deux minutes, mais huit pages de scénario. On ne fait aucune économie d’échelle. Il y a 40 décors, plus de 100 comédiens, 150 figurants. On a tourné les 40 premiers épisodes en 20 jours, ça fait 40 plans par jour! Le jeu en vaut la chandelle, mais faut être un peu fou.»
Du côté de «Vestiaires», quatre épisodes sont tournés par jour, ce qui laisse deux heures par épisode. Les deux séries d’animation que prépare Arte bousculent aussi le rythme de production habituel des studios. Mais pour «La minute vieille», sur Arte le 2 juillet, le timing serré était le bienvenu, confie l’auteur et réalisateur Fabrice Maruca: «Le principe du programme, c’est des vieilles qui racontent des blagues de cul. Sur les 50 épisodes, on m’en a refusé 40 au début! Il me restait que les plus soft, et les moins drôles… Je pouvais pas leur faire dire «baiser». Et puis à la fin on était tellement pris par le temps que presque tout est passé!»