INTERVIEWAffaire de corruption au «Sun»: «Rupert Murdoch n'est pas fini, au contraire il repart à l'attaque»

Affaire de corruption au «Sun»: «Rupert Murdoch n'est pas fini, au contraire il repart à l'attaque»

INTERVIEWLe premier tabloïd britannique, «The Sun», appartenant au magnat de la presse Rupert Murdoch, est entaché par une affaire de corruption. Le deuxième scandale en moins d'un an pour son groupe de presse depuis les écoutes illégales de «News of the World». L'éclairage de Jean-Claude Sergeant, professeur émérite à l'Université de la Sorbonne Nouvelle et spécialiste des médias britanniques...
Rupert Murdoch à Washington, en avril 2010.
Rupert Murdoch à Washington, en avril 2010. - REUTERS/Hyungwon Kang
Propos recueillis par Anaëlle Grondin

Propos recueillis par Anaëlle Grondin

Le Sun se trouve aujourd’hui dans la tourmente. Le 11 février, cinq employés ont été arrêtés dans le cadre d'une enquête sur des pots-de-vin versés à la police et à des membres de l'administration. Avant eux, cinq autres journalistes avaient déjà été arrêtés dans cette même affaire de corruption. Ce qui se passe en ce moment au sein du tabloïd, est-ce aussi grave que l’affaire des écoutes à News of the World, qui a entraîné la fin du titre en juillet dernier?

Disons que c’est autre chose. C’est la suite de l’affaire. En juillet, Rupert Murdoch a essayé de se racheter une virginité après le scandale News of the World en mettant en place un comité des bons usages (News Corporation's management and standards committee) destiné à démontrer la bonne volonté du groupe pour moraliser le fonctionnement de l’institution. Mais c’est cette commission qui a transmis récemment aux services de police britanniques des informations permettant d’identifier les sources qui avaient été en contact avec les journalistes du Sun. Eventuellement ces journalistes auraient payé ou offert un repas pour obtenir des informations. Ceci a abouti à une dizaine d’interrogatoires en février par les services de police. Les journalistes du Sun se sont sentis trahis par la direction du groupe. L’attaque vient de l’intérieur car c’est la commission mise en place par le patron qui les a lâchés. A New York, le groupe est sous l’œil du FBI pour savoir s’il y a eu de la corruption ailleurs. Si cela arrive, ce serait grave pour Rupert Mudoch.

Alors que le titre est empêtré dans cette affaire de supposés pots-de-vin, pourquoi annoncer le lancement du Sun on Sunday, édition dominicale du tabloïd?

Vendredi à Londres, Rupert Murdoch a eu de bonnes paroles: il faut que nous montrions que nous sommes vertueux, en somme. Il a voulu montrer qu’il ne lâche pas les journalistes, il va même réintégrer ceux qui seront innocentés. La création du Sun on Sunday, c’est pour muscler le moral des troupes. Au départ c’était prévu pour avril, mais Rupert Murdoch a voulu redynamiser une équipe de journalistes totalement démoralisés.

Est-ce que ce nouveau tabloïd peut fonctionner selon vous, après ces scandales?

Je ne sais pas si ça va marcher, mais Rupert Murdoch ne pouvait pas faire autrement pour remettre l’équipe du Sun en état de marche. News of the world était vendu à 2,66 millions d’exemplaires chaque semaine, c’était quand même énorme. Depuis sa fermeture, certains lecteurs sont partis vers d’autres titres du groupe, mais d’autres se sont abstenus d’acheter un journal du dimanche depuis. Il y a sans doute une attente. Il y aura un lectorat certainement moins nombreux que News of the World, mais le journal va continuer d’apporter les derniers potins et scandales que les lecteurs attendent

Que pourrait-il se passer dans les mois à venir?

Si jamais la pression de la justice se resserre, il pourrait y avoir une mise en cause du patron de la partie européenne du groupe, James Murdoch [le fils de Rupert Murdoch]. Le conseil d’administration pourrait lui demander de démissionner.

Le Sun risque-t-il de disparaître à son tour? L’empire Murdoch est-il en train d’imploser?

Rupert Murdoch n’a pas de sentiments. C’est un homme de papier, il a façonné la presse populaire en Grande-Bretagne. Si une amputation d’un titre est nécessaire, il pourrait le faire. Il pleurera des larmes de sang mais il le fera pour préserver son groupe. Mais son empire n’est pas en train d’imploser. Aux Etats-Unis, la télévision par câble fonctionne bien. La Fox sort des choses intéressantes. On est toujours rattrapé à un moment ou à un autre par ce que l’on fait, mais ce ne sera pas dans l’immédiat. Il s’est tellement assuré de soutiens politiques dans le monde entier… Il a été entendu par une commission du Parlement britannique, mais le jour où on le verra dans un prétoire c’est que le monde aura bien changé. Rupert Murdoch n’est pas fini, au contraire, il repart à l’attaque.