PRESSELa presse féminine fait-elle (enfin) sa révolution?

«Reboot» de «Glamour», nouvelle formule de «Grazia»: La presse féminine fait-elle (enfin) sa révolution?

PRESSEAprès « Grazia», « Glamour» est entièrement refondu, la presse féminine se refait enfin une beauté en plein mouvement néoféministe…
Anne Demoulin

Anne Demoulin

Un reboot pour Glamour. Exit le papier glacé, le format pocket, le prochain numéro du magazine féminin né en 2004, repart de zéro avec la mention « nouveau en kiosque » le 15 mars. Cette nouvelle formule promet sur le fond « à une génération de s’affirmer et de cultiver sa liberté d’esprit avec impertinence, en sortant des clichés de la presse dite féminine » et sur la forme un « design plus efficace et moderne, que féminin et girly », indique le dossier de presse.

De son côté, Grazia a fait peau neuve le 2 mars « pour toutes ces femmes et ces filles qui bouleversent le monde », avec des « mots » « plus profonds » et de « nouveaux codes graphiques ». La presse féminine serait-elle en train d’entamer enfin sa révolution ?

La presse féminine connaît la crise

La diffusion de Glamour s’est écroulée de 21 %, celle de Grazia de 11 %, celle de Madame Figaro de moins 3 %, celle de Elle de -0,9 %. « Glamour a perdu 100.000 exemplaires en quatre ans pour tomber à 220.000 exemplaires, soit un tiers de sa diffusion, c’est considérable. Certains titres plus anciens comme Elle ou Marie-Claire ont une plus grande capacité de résistance », estime Vincent Soulier, maître de conférences associé au CELSA (Paris-Sorbonne) et auteur de Presse féminine : La puissance frivole (L’Archipel, 2008).

Longtemps resté secteur florissant, « premier support des investissements publicitaires et la deuxième famille en termes de diffusion après les magazines TV », la presse féminine est désormais touchée de plein fouet par la crise structurelle de la presse. Alors que la diffusion du papier diminue, les audiences sur le numérique augmentent. Le hic ? « L’équation économique n’y est pas, la publicité sur le numérique rapporte dix fois moins que sur le print ».

La presse féminine fait sa révolution numérique

Pour se tirer d’affaire, la presse féminine misait jusqu’alors sur une diminution du prix en kiosque et comptait sur l’augmentation de sa diffusion pour attirer les annonceurs. «Le modèle d’hier n’est plus tenable pour la presse féminine. Ou alors nous allons dans le mur », confiait ce lundi au Figaro, Xavier Romatet, PDG de Condé Nast France.

« Ce modèle s’est effondré. Le mensuel Glamour est descendu jusqu’à 1,80 euro sans attirer de nouveaux lecteurs », résume le spécialiste. La nouvelle version sera vendue à 2,90 euros, son tirage, divisé par deux, à 250.000 exemplaires, pour réduire le taux d’invendus, le double format, abandonné. Le magazine devient un bimensuel, imprimé sur un papier mat recyclé.

« La presse féminine va opérer sa révolution digitale », estime le chercheur. Le principal axe de développement de Glamour concerne le numérique avec un nouveau site repensé mobile first, plus de vidéos, des podcasts et une redéfinition de sa stratégie sur les réseaux sociaux pour façonner des communautés. Glamour veut devenir une « nouvelle plateforme média engageante davantage qu’un magazine ». « La presse féminine veut toucher les millenials », résume Vincent Soulier, à l’instar des pureplayers comme madmoiZelle.com ou ChEEk Magazine.

« Une certaine catégorie de presse féminine s’est déconnectée de sa cible, non seulement parce que les supports utilisés étaient obsolètes, mais aussi parce que la façon de traiter les sujets d’intérêts de cette cible était dépassée », note encore le dossier de presse de relance de Glamour.

La presse féminine se refait une beauté

Affaire Harvey Weinstein, vague planétaire #metoo, mouvement inédit des femmes journalistes dans plusieurs rédactions françaises, le néoféminisme marque le débat public et la scène médiatique depuis quelques mois. Le nouveau Glamour promet de « l’authenticité », du « sens » plutôt que du « consumérisme ».

« La presse féminine s’est éloignée de l’engagement. Seul Causette a eu une vraie ligne éditoriale engagée. Elle et Marie-Claire ont su préserver une dimension d’engagement, mais ces titres, crédibles sur ces questions, sont plus des miroirs de la société que des phares », considère Vincent Soulier.

Les titres de la presse féminine qui appartiennent à des grands groupes comme Mondadori ou Conde Nast cherchent « une dimension d’influence sociétale et d’engagement et l’équilibre économique ». A la différence de Causette, magazine militant, qui vit (placé en redressement judiciaire en 2015, puis en liquidation judiciaire en janvier 2018, sa reprise par le groupe Hildegarde sera définitivement validée ce jeudi) grâce à ses lecteurs et pas à ses annonceurs.

Si les rédactions de la presse féminine sont pleines de « journalistes engagés prêts au renouveau, à se remettre du côté des femmes », ne vous attendez pas à voir en kiosque que des papiers « plus féminins du cerveau que du capiton ». « La presse féminine est et sera toujours ce joyeux charivari entre des articles frivoles et de véritables engagements, entre des sujets graves et légers », conclut le chercheur.