INTERVIEW«Il y a eu une volonté politique claire de faire sauter Mathieu Gallet»

Révocation de Mathieu Gallet: «Il y a eu une volonté politique claire de faire sauter le PDG de Radio France»

INTERVIEWL'analyse du verdict du CSA concernant le PDG de Radio France, condamné pour favoritisme lorsqu’il dirigeait l’INA...
Mathieu Gallet,  PDG de Radio-France lors de la 6e édition de «Radio France fête le livre» à la Maison de la Radio le 26 novembre 2017.
Mathieu Gallet, PDG de Radio-France lors de la 6e édition de «Radio France fête le livre» à la Maison de la Radio le 26 novembre 2017. - SADAKA EDMOND/SIPA
Anne Demoulin

Propos recueillis par Anne Demoulin

Un choix cornélien, mais les sept sages ont tranché. Le CSA, qui a le pouvoir de nommer et de révoquer les dirigeants de l’audiovisuel public, a décidé du sort du patron de Radio France, Mathieu Gallet​, condamné pour favoritisme lorsqu’il dirigeait l’INA, ce mercredi. Alors que la ministre de la Culture Françoise Nyssen avait appelé au départ de Mathieu Gallet dans les colonnes du Monde, soulignant le « devoir d’exemplarité » des « dirigeants d’entreprises publiques », le CSA avait le choix entre le révoquer, ce qui sous-entendait de céder aux pressions du gouvernement, soit d’affirmer son indépendance et le maintenir, quitte à s’asseoir sur l’exigence d’irréprochabilité.

Le gendarme de l’audiovisuel a finalement décidé de le révoquer. Jean-Charles Verhaeghe consultant et formateur radio chez My Conseils analyse cette décision pour 20 Minutes.

Qu’est-ce qui s’est joué dans cette décision de révoquer le PDG de Radio France ?

Il y a une dimension cornélienne dans cette décision. La ministre de la Culture, Françoise Nyssen s’est arc-boutée. Il y a eu une volonté politique claire de faire sauter Mathieu Gallet. On sent la volonté de l’exécutif de changer le mode de recrutement des patrons de l’audiovisuel public. Le CSA aurait pu se draper dans son indépendance, le problème, c’est qu’on ne pouvait plus défendre Mathieu Gallet. Le gouvernement a marqué un point, il a montré que c’était lui le patron. Une fois que la ministre de la Culture a pris position en avançant l’exemplarité, c’était plié.

Il avait pourtant un bon bilan à Radio France…

Il a su résister à pas mal de turbulences ! À son arrivée à la Maison Ronde, on a cru voir quelqu’un d’inexpérimenté, c’était en fait, tout le contraire, il a été habile. C’est un gars brillant qui a essuyé la pire des grèves à Radio France, on aurait pu croire qu’il aurait été fragilisé en interne, au contraire, il a été solide, efficace et résolu dans son boulot. Il a fait des réformes et a mis Radio France dans la bonne direction. Les audiences ont grimpé [la dernière vague d’audience de Médiamétrie, mesurée en novembre-décembre, est venue le rappeler : en quatre ans, le groupe Radio France a gagné deux points d’audience cumulée et atteint un nombre record d’auditeurs quotidiens (près de 15 millions)]. On sent que le CSA aurait aimé le maintenir. Ce n’était plus possible avec cette casserole de l’INA et cette nécessité d’exemplarité. Il est certain qu’on lui a cherché des poux dans la tête. Mathieu Gallet s’est pas mal défendu. Il semblait jusque-là indéboulonnable. Il a trébuché sur un parcours pavé d’or, à cause d’un caillou dans sa chaussure.

Qui pourrait lui succéder ?

Il est trop tôt pour le dire. Mais pour son successeur, ce n’est pas une partie de plaisir, même si Mathieu Gallet laisse une Maison de la Radio saine et que le boulot a été fait. Ce ne sera pas simple de trouver quelqu’un du même acabit. L’audiovisuel public traverse une période mouvementée et complexe, pensez à Delphine Ernotte.