Attentat de Nice, un an après: «Le souci des photos de "Paris Match", c'est le contexte»
POLEMIQUE•Avec les photos de «Paris Match» publiées en pleine commémoration de l'attaque de Nice, les médias se retrouvent une nouvelle fois à l'épreuve des attentats...V. J.
Suite à la publication jeudi par Paris Match d’images extraites de la vidéosurveillance de l’attentat de Nice, plusieurs associations de victimes avaient saisi la justice pour faire retirer en urgence le magazine des kiosques. Pas de retrait de la vente, car pas de trouble à l’ordre public, ont estimé les juges, mais l’interdiction tout de même de toute nouvelle publication de deux photos de l’attentat du 14 juillet 2016, sur papier et en ligne, au motif qu’elles portent atteinte à la dignité humaine.
Les médias à l’épreuve des attentats
Ce n’est la première fois que des médias sont critiqués pour la publication de photos de victimes, comme l’agence Reuters lors de l’attaque sur le pont de Westminster à Londres ou VSD pour une photo d’une victime du Bataclan, juste avant qu’elle ne décède. Le DailyMail avait même diffusé un cliché choquant de l’intérieur du Bataclan. « Les tabloïds anglais visent le sensationnalisme, commente Pierre Lefébure, universitaire, coauteur du Défi Charlie - Les médias à l’épreuve des attentats (Lemieux éditeur) et participant au projet SENSI-TV-T pour « Sensibilité au traitement télévisuel du terrorisme ». Mais nous n’avons pas cette presse en France. Paris Match et VSD se situent dans un entre-deux, où se posent à la fois la question de commerce et la question d’éthique. »
Un guide de bonne conduite pour la presse ?
La société française reste globalement plus prudente que ses voisins, avec le droit à l’image, et le respect à la dignité humaine. Il existe même un régulateur, du moins dans l’audiovisuel avec le CSA. En presse écrite et numérique, « il y a les syndicats, les sociétés des journalistes », précise Pierre Lefébure, mais un organisme serait le bienvenu, pour croiser les regards, appeler à réguler. Comme le guide de bonne conduite du CSA destiné aux télés et aux radios, avec par exemple un léger différé du direct pour un meilleur contrôle éditorial et éviter des images comme celles d’un homme interviewé par France 2 à côté du cadavre, couvert, de sa femme.
Des images de la perpétration même des faits
« L’affaire Paris Match n’arrive pas à n’importe quel moment, explique le chercheur. Nous sommes en pleines commémorations de l’attentat de Nice, et que montrent ces images et ces photos ? Non pas des familles éplorées, mais la perpétration même des faits. Ces images sont troublantes, dérangeantes, car elles replacent les victimes, les proches, les voisins dans la situation même de traumatisme. » Le contenu est aussi important que le contexte. « L’Espagne a déjà mis des photos de victimes d’attentats en une, explique Pierre Lefébure. Des attentats de l’ETA, avec pour but de marginaliser l’organisation armée basque dans l’opinion publique. Ils sont revenus dessus depuis. Encore une question de contexte. »