Snapchat: Pourquoi l'appli vient hanter la France
ECONOMIE•Le bureau que l'appli va ouvrir à Paris aura une importance on ne peut plus stratégique...Fabien Randanne
Connue pour ses images éphémères, Snapchat envisage de s’installer durablement en France. L’entreprise américaine ouvrira bientôt un bureau à Paris, selon une information du Figaro. L’appli, qui vient de dépasser Twitter en nombre d’utilisateurs (150 millions contre 140 millions), est sur une dynamique de croissance. Elle compte développer encore davantage son audience mais aussi son chiffre d’affaires. Pour cela, la capitale française apparaît comme une destination essentielle. 20 Minutes vous explique pourquoi.
- Pourquoi s’installer en France et pas en Allemagne ou ailleurs ?
Jusqu’à présent, le seul bureau européen de Snapchat se trouvait à Londres (Angleterre). L’ouverture d’une antenne en France l’aidera donc à développer ses activités sur le continent. Il n’est pas sûr que le Brexit ait influé dans cette décision stratégique… Mais alors pourquoi Paris a-t-il été préféré à Berlin, Rome ou Madrid ? La réponse est simple : forte de ses 8 millions d’utilisateurs, la France représente, après le Royaume-Uni et ses 10 millions d’utilisateurs, le deuxième marché pour l’appli en Europe. Et sa popularité dans l’Hexagone est grandissante. « En termes d’usages, selon les sondages, Snapchat concerne 14 % des 15-34 ans [source Médiamétrie] et 71 % des 15-24 ans [Harris Interactive]. Il y a donc un enjeu de marché : l’entreprise, qui a montré sa capacité à attirer une audience jeune, entre dans une logique de monétisation », souligne Camille Saint-Paul, dirigeante du cabinet de conseil en stratégie digitale 5e Rue. La spécialiste des pratiques numériques reprend : « La création d’un bureau à Paris va permettre de faciliter les partenariats avec les marques et les médias français. Il y en a déjà un en cours de discussion avec Le Monde. »
- Comment Snapchat peut-elle engranger le cash ?
Snapchat propose entre autres des filtres thématiques permettant aux utilisateurs la possibilité de customiser un selfie. Plusieurs marques telles que Oreo, Magnum ou Samsung, ont ouvert le porte-monnaie pour que des filtres à leur image soient mis à disposition. Les médias, eux, sont de plus en plus nombreux à créer leur compte pour partager des « stories » (des « histoires ») avec leurs abonnés. C’est un autre moyen de raconter l’actualité et qui impose de s’éloigner des réflexes et pratiques journalistiques traditionnels. « Il y a un enjeu pour des marques qui veulent cibler des jeunes ou pour des médias qui souhaitent rajeunir leur cible, poursuit Camille Saint-Paul. Mais ce n’est pas pour autant que tous les annonceurs, je pense par exemple aux constructeurs de voitures, doivent se précipiter dessus. Snapchat n’est pas un média grand public contrairement à Facebook. »
L’appli a choisi un fantôme en guise de logo mais ce n’est pas pour autant qu’elle veut effrayer ceux qui peuvent contribuer à sa monétisation. « Quand Twitter a ouvert son bureau à Paris, cela lui a permis d’intensifier sa force commerciale pour peser davantage auprès des annonceurs. Ce sera sans doute la même chose pour Snapchat », souligne la dirigeante de 5e Rue. Ces dernières semaines, l’appli s’est lancée dans les contenus sponsorisés, qui représentent un levier de promotion supplémentaire pour les annonceurs. Les utilisateurs français peuvent donc s’attendre à voir davantage de publicités apparaître, d’une manière ou d’une autre, entre deux snaps.
- Qui sera le directeur de Snapchat France ?
D’après Le Figaro, Snapchat a déjà trouvé le futur dirigeant du bureau hexagonal : Emmanuel Durand. L’actuel vice-président en charge du marketing, de la data et de l’innovation chez Warner Bros France est un choix pertinent aux yeux de Camille Saint-Paul : « Ils ont opté pour quelqu’un qui a de l’expérience, mais surtout pour un expert du contenu et du divertissement. Ces deux axes sont des enjeux clés pour Snapchat pour qui nouer partenariats et contrats avec les annonceurs et les médias signifie de créer du contenu ad hoc. » Le profil créatif était donc le bienvenu.
C’est d’autant plus vrai que Snapchat n’est pas une appli très intuitive. Il faut une certaine pratique pour prendre conscience de son potentiel et de son utilité alors que l’on a vite fait de comprendre les tenants et aboutissants de Twitter ou de Facebook. La spécialiste des pratiques numériques confirme : « Il s’agit probablement de l’un des réseaux sociaux les plus difficiles d’accès pour un annonceur. Je suppose, sans en être certaine, que l’idée est de créer une équipe au service des marques pour concevoir des contenus sur-mesure. » Snapchat, qui vise la barre du milliard de dollars de revenus à l’horizon 2017, contre 59 millions en 2015, n’a pas de temps à perdre.