TÉLÉVISION«Priorité au direct»: Quatre secrets d'info dans les coulisses de BFMTV

«Priorité au direct»: Quatre secrets d'info dans les coulisses de BFMTV

TÉLÉVISIONGuillaume Dubois, actuel directeur général de BFMTV, revient dans un ouvrage, sur la genèse de la chaîne sans occulter les polémiques qui ont émaillé son histoire…
Hélène Sergent

H.S.

«On a Coulibaly au téléphone ! ». C’est sur cette phrase, prononcée par un journaliste de BFMTV, le vendredi 9 janvier 2015 lors de la prise d’otage de l’Hyper Cacher, porte de Vincennes, que s’ouvre l’ouvrage Priorité au direct (Ed. Plon) de Guillaume Dubois, ancien directeur de la rédaction et actuel directeur général de la chaîne.

Livrant les secrets de fabrication des « coups médiatiques », le journaliste retrace le parcours de BFMTV, dix ans après son lancement le 28 novembre 2005. Une plongée dans les coulisses de cette fabrique de l’information en continu qui ne cache pas son ambition : redorer le blason de la chaîne, terni par des accusations de populisme ou d’irresponsabilité, notamment lors des attentats de Charlie Hebdo.

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Dix-huit semaines pour exister, la valse des ratés

Dix ans d’existence, cela semble peu, mais en matière de temporalité médiatique, c’est énorme. L’intérêt majeur de l’ouvrage de Dubois consiste à replonger le lecteur dans les débuts, parfois chaotiques, de la chaîne. Entre la validation de la candidature de BFM par le CSA pour entrer sur le bouquet TNT et le lancement officiel des journaux télévisés s’écoulent seulement 18 semaines.



Le directeur général de BFMTV raconte, non sans humour, les accrocs techniques et les erreurs humaines qui ont ponctué des débuts difficiles. Parmi eux, « Patrick, le synthé fantôme ». Un bug informatique au sein du serveur incorpore lors de certaines interviews la bannière présentant « Patrick, réparateur de Vélib' », sans qu’il ne soit jamais question de l’intéressé.

L’affaire Mohamed Merah, boulette et pic d’audiences

Après avoir vu ses audiences grimper pendant l’affaire DSK en 2011, la chaîne va connaître ses plus fortes audiences au cours des tueries perpétrées par Mohamed Merah avec 2,1 % de part d’audience en mars 2012. Mais l’affaire va égratigner la rédaction et l’un de ses présentateurs, Rachid M’Barki, lorsque ce dernier annonce, par erreur et en direct, l’interpellation du tueur.

« Selon @BFMTV, Mohamed #Merah aurait été interpellé par les hommes du RAID. #Toulouse — Pierrick de Morel (@PierrickdeMorel) March 21, 2012 »

Guillaume Dubois raconte : « Que s’est-il passé ? Une histoire de SMS pas clair mélangée à un peu de précipitation. Les deux sources de M’Barki, en effet, ont reçu le même SMS : Individu armé interpellé. On saura après coup qu’il s’agissait d’un type qui vient d’être interpellé, armé, à l’intérieur du périmètre de sécurité dressé par la police. Rien à voir avec Merah qui, à ce moment-là, reste cloîtré dans son appartement ». Une information qui sera également diffusée par France 3 et iTELE.

Les confessions de Jérôme Cahuzac

La « part d’ombre » de l’ex-ministre du Budget restera dans les annales politico-médiatiques de ces dernières années. Jean-François Achilli, en contact avec la conseillère en communication de l’élu, raconte dans l’ouvrage : « Je suis tout de suite allé voir Hervé Béroud [Directeur de la rédaction] en lui disant que j’avais quelque chose pour lui (…), c’était un joli scoop, nous étions très excités ». L’interview, enregistrée au bout de trois prises, et qui précédera la démission du ministre, rassemblera des millions de téléspectateurs.

Charlie Hebdo, Coulibaly et le « BFMbashing »

Le livre se conclut comme il a débuté, sur les attentats de janvier 2015. Une charge va faire plus de mal que toutes les précédentes à la chaîne. Elle émane de la femme d’un des otages de l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes.



Les accusations de mises en danger de la vie d’autrui sont mal vécues en interne, raconte Dubois : « Le ciel nous tombe sur la tête. On ne comprend pas à quoi cette femme fait allusion (…) Hervé Béroud, incrédule, ordonne un double visionnage minutieux de l’antenne de la veille. Il en ressort, sans surprise pour lui, que l’essentiel de l’acte d’accusation est faux ».

Le chroniqueur justice de la chaîne, Dominique Rizet, a pourtant bien signifié à l’antenne et en direct qu’une femme se trouvait dans la chambre froide du magasin, sans savoir qu’Amedy Coulibaly, le terroriste preneur d’otages, regardait la chaîne. Le mea culpa, maintes fois formulé par la chaîne et le journaliste, n’a pas convaincu l’avocat des ex-otages, qui a porté plainte contre BFMTV, trois mois après les attentats.

Priorité au direct, dans les coulisses de la chaîne d’info n°1, Guillaume Dubois (Ed. Plon)