Radio France: Mathieu Gallet, la «tentation autoritaire»?
MEDIAS•Le PDG de Radio France a limogé ce vendredi la patron de France Culture, Olivier Poivre d'Arvor…C.W.
Despotique, Mathieu Gallet ? Après quelques mois d’accalmie, à la suite de la très longue crise à Radio France, le PDG de la « Maison ronde » revient sous le feu des projecteurs. Dernier acte d’autorité en date, le limogeage d’Olivier Poivre d’Arvor, le directeur de France Culture, le seul patron de Radio France que Mathieu Gallet n’avait pas changé depuis son arrivée en mai 2014.
Couper des têtes
En poste depuis 2010, Olivier Poivre d’Arvor a annoncé lui-même ce vendredi à l’AFP son « limogeage » et devra donc faire ses adieux à la Maison de la Radio le 31 août. Le chef d’accusation ? La traîtrise, soit deux interviews dans lesquelles il s’est exprimé sur le projet de Mathieu Gallet sans son accord. Et notamment une interview dans laquelle le patron de Radio France a appris que « OPA » avait vu Fleur Pellerin pour demander une subvention, sans l’avertir. « Une preuve de déloyauté » pour Mathieu Gallet, comme l’explique Olivier Poivre d’Arvor à Télérama. De fait, depuis mai 2014, les relations n’étaient pas au beau fixe entre les deux hommes, tous deux de fortes têtes. L’entrée en matière avait été délicate, comme le rappelle « OPA » puisque le tout nouveau patron de Radio France avait expliqué en novembre à l’occasion d’un pot pour fêter les excellentes audiences de France Culture avoir « choisi de ne pas lui couper la tête » à son arrivée en 2014… Ambiance.
Pour PPDA, le frère d’Olivier Poivre d’Arvor, c’est la faute à « l’impertinence » et une preuve d'« arbitraire » :
« Tout près de mon frère et de l’impertinence. Loin de l arbitraire. Il y a sept ans, jour pour jour, je présentais mon dernier journal.. — Poivre d’Arvor (@PPDA) July 10, 2015 »
L’éditorialiste Nicolas Domenach, lui, ironise sur la situation :
« Il était un homme de gauche à Radio France qui réussissait : O. Poivre d’Arvor, directr de F. Culture. Le PDG M. Gallet l’a limogé. C.Q.F.D. — nicolasdomenach (@nicodomenach) July 10, 2015 »
Le principal intéressé, « OPA », juge lui que Mathieu Gallet a un souci avec la liberté de parole et la liberté tout court. « Si, après la grève que l’on a connue au printemps, on n’a pas cette liberté d’une autocritique minimum… Je comprends qu’il soit effectivement mieux, pour Mathieu Gallet, de se séparer de ceux qui s’expriment », explique-t-il à Télérama. Et d’expliquer, plus cash, à l’AFP : « Il y a une tentation autoritaire de contrôler la liberté éditoriale que l’on vous confie le jour où l’on vous donne une chaîne », a expliqué OPA à l’AFP.
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Du côté des syndicats, échaudés par la grève historique, la nouvelle a suscité des critiques. Dans un communiqué, l’Unsa (Union nationale des syndicats autonomes) a dénoncé un « gâchis » : « En remerciant Olivier Poivre d’Arvor, le président s’en prend à la liberté de parole et l’esprit critique qui anime cette chaîne ». Du côté du SNJ Radio France (Syndicat national des journalistes), qui a appris avec « stupéfaction » ce limogeage, « son licenciement pour avoir osé donner son avis librement, pour avoir soutenu la liberté de ses producteurs de s’exprimer, ça donne une image très sombre de la gouvernance de notre PDG et c’est extrêmement inquiétant pour tous les salariés de Radio France qui peuvent imaginer qu’il en sera de même pour eux ».
Se tirer une balle dans le pied
Si le motif de ce limogeage peut-être déroutant, la décision radicale l’est également, surtout au vu des bons résultats de France Culture. En cinq ans, l’audience est passée de 1,5 à 2,3 % d’audience cumulée. Et ce malgré une baisse de moyens considérable pour la radio « 600.000 euros (de moins) sur 2014/2015, 250.000 demandés sur 2015/2016 et la même somme sur 2016/2017 », comme l’a précisé Olivier Poivre d’Arvor à l’AFP. Contacté par 20 Minutes, le SNJ Radio France a confié son regret quant au départ du directeur de France Culture : « C’est une perte, et ce n’est pas cela qui va aider la radio ».
Mais Mathieu Gallet ne fait pas dans les sentiments. Sa gestion de la crise, où il a laissé peu de place au dialogue ou fait preuve d’arrogance lors de certaines AG, ont amené la Maison ronde à la plus longue grève de son histoire. Il n’a sauvé sa tête qu’à la faveur de l’autre scandale qui a éclaté dans les médias, celui des notes de frais salées d’Agnès Saal à l’INA, l’exécutif ne pouvant se payer le luxe d’une nouvelle crise dans les médias publics. Mais les relations de celui qui passe pour être classé plutôt à droite avec Fleur Pellerin sont toujours ultra-tendues. Mais, comme l’expliquait Le Monde dans un élogieux portrait consacré à celui que tous les médias considèrent comme un « ambitieux », Mathieu Gallet, il est opposé à « tout sentimentalisme dans le boulot ».