DOCUMENTAIRE« Trop noire pour être française », des citoyens rabaissés par les préjugés

« Trop noire pour être française », des citoyens rabaissés par les préjugés

DOCUMENTAIREA partir de son passé familial et de son expérience, I sabelle Boni-Claverie raconte ce vendredi soir Arte comment stéréotypes et discriminations touchent les Noirs en France...
Joel Metreau

Joel Metreau

«Pour une fois, je me suis mis à travailler comme un Nègre… Je ne sais pas si les Nègres ont toujours tellement travaillé, mais enfin… » Les propos de Jean-Paul Guerlain en 2010 ont fait condamner le parfumeur au tribunal pour injure raciale. Ils ont aussi été un déclencheur pour Isabelle Boni-Claverie dans sa décision de réaliser de Trop noire pour être française, diffusé sur Arte ce vendredi à 23h10. « Dès l’école primaire, je ne pouvais pas ne pas me poser la question, explique-t-elle à 20 Minutes. Ma couleur de peau primait sur le reste alors que pour moi, elle n’avait pas d’importance. » Un souvenir cuisant, à 6 ans : celui où elle rêvait d’incarner Marie dans la crèche vivante, mais son institutrice l’a désignée pour être Balthazar, le roi mage venu d’Afrique…



S’en est suivi pour elle, même issue d’une famille économiquement privilégiée, « racisme et discriminations », comme des rendez-vous pris par téléphone pour visiter un appart et qui se conclut par une annulation lors de la rencontre avec l’agent immobilier. « Et puis des remarques insidieuses, du genre "la musique ne doit pas te convenir, tu dois aimer le rap". » Dans son documentaire centré sur son expérience et son passé familial, défilent aussi des témoins de ce racisme, du plus mesquin au plus humiliant, comme cette restauratrice qui raconte que, lors d’un meeting de Jean-Marie Le Pen, les invités lui lançaient biscuits et sucre en la traitant de cheetah.

Le grand-père ivoirien de la réalisatrice Isabelle Boni-Claverie et sa grand-mère, née dans le Tarn, à Gaillac. - Quark productions

Moins de stéréotypes dans la publicité

Outre les discriminations, la réalisatrice pointe aussi les stéréotypes véhiculés par les médias, « même si un travail a été fait par exemple dans les publicités pour inclure une représentation plus diverse du public ». Les associations douteuses, issues de l’imaginaire colonial, comme « noir et musique » ou noir somnolent en dreadlocks symbolisant « la paresse » se font plus rares. Mais pour Isabelle Boni-Claverie, les Noirs restent quasi invisibles à la tête des JT depuis le départ de Harry Roselmack. « Au niveau de la fiction, je ne vois pas de série portée par un héros noir, asiatique ou maghrébin. Dans les émissions d’infos, les experts sont uniformes : si on fait venir des Noirs c’est pour parler de questions sur les minorités ! »

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Avant première « Trop Noire pour être Française ? » au Gaumont Opéra Capucines. Seybah Dagoma, députée des 3ème et 10e arrondissements de Paris et Isabelle Boni-Claverie, réalisatrice du film. Diffusion prévue le 3 juillet 2015 à 23h sur ARTE

Favorable aux « statistiques ethniques »

Ainsi, est-elle très favorable à des « statistiques ethniques » pour mettre fin « au principe d’universalité républicaine aveugle aux faits et qui ne permet pas de lutter efficacement contre les discriminations. » Elle ajoute une métaphore parlante. « C’est comme chez le médecin, il faut une vision claire pour appliquer le bon traitement. On ne peut pas soigner quelque chose qu’on n’arrive pas à diagnostiquer ».

Depuis mercredi, les twittos étaient invités par le quotidien Libération à twitter sur le hastag #TuSaisQueTesNoirEnFranceQuand… dans le cadre de la diffusion du docu. Ce dont s’est emparé Robert Ménard, maire d’extrême droite de Béziers, en lâchant sur Twitter un « Marre du communautarisme ! » Isabelle Boni-Claverie soupire : « Le premier communautarisme en France est d’être blanc et hétérosexuel. ll faut arrêter de brandir l’épouvantail du communautarisme. Si les gens s’expriment ainsi, c’est parce qu’ils veulent appartenir à la société française et ont le sentiment que ce n’est pas le cas. »