VIOLENCESInde: L'interdiction d'un documentaire sur le viol crée la polémique

Inde: L'interdiction d'un documentaire sur le viol crée la polémique

VIOLENCESLe film de la BBC revient sur le viol et le meurtre d'une jeune femme en 2012, qui avait ému le monde entier…
Mathias Cena

Mathias Cena

Le documentaire India's Daughter («La fille de l’Inde») devait être diffusé dans sept pays dimanche, à l’occasion de la Journée internationale pour les droits des femmes. Il ne le sera finalement pas en Inde, où le film de la réalisatrice britannique Leslee Udwin, qui revient sur le viol en réunion et le meurtre d’une jeune femme à Delhi fin 2012, a été interdit de diffusion par un tribunal.

Le 16 décembre 2012, Jyoti Singh, une étudiante en kinésithérapie, avait été sauvagement agressée par six hommes alors qu’elle revenait du cinéma en bus avec son ami. Elle était morte de ses blessures 13 jours plus tard. A l’époque, l’affaire avait choqué le monde entier et déclenché des manifestations de protestation massives en Inde, entraînant un durcissement de la loi sur les violences sexuelles.

Virulent débat dans les médias et sur les réseaux sociaux

India’s Daughter montre pendant une heure des interviews des parents de la victime et des familles des agresseurs, dont quatre ont été condamnés à mort. Mais surtout, il livre le témoignage de l’un d’entre eux, Mukesh Singh, que la réalisatrice a pu filmer dans sa prison pendant trois jours. Dans le film, l’agresseur déclare notamment que la victime n'aurait pas dû «traîner dehors à 9h le soir» et qu'«une fille est bien plus responsable d'un viol qu'un garçon».

Sans que les raisons précises de l’interdiction soient connues, le ministre indien de l’Intérieur l'a justifiée par ces propos, «très insultants», qui sont «un affront à la dignité des femmes», a-t-il déclaré. Depuis, un virulent débat fait rage dans les médias indiens et sur les réseaux sociaux entre les partisans et les opposants à la diffusion du film, mis en ligne sur Youtube (attention, les propos et les images peuvent choquer).



De nombreux commentaires dénoncent une stigmatisation du pays: «Est-ce qu’il n’y a des viols qu’en Inde?, écrit ainsi un internaute sur Twitter. C’est une tentative de dénigrer l’Inde dans le monde entier. Nous devons l’arrêter.» «35 femmes sont violées chaque jour au Royaume-Uni. Combien en avez-vous interviewé?», demande un autre.

« Does Rape Happen Only In India? It's An Attempt To Malign India On A Global Platform. We Must Stop It.#IndiasDaughter #BanBBC #DontRapeAgain — Sir Ravindra Jadeja (@SirJadeja) March 4, 2015 »



« As per @MailOnline 35 women are raped Daily in UK, how many accused have you interviewed @ndtv @BBC #BanBBC — हिन्दुत्व = विज्ञान (@amit_karia99) March 4, 2015 »



D’autres défendent la diffusion du film. «Un documentaire critique ne peut pas ternir l’image de l’Inde autant que son interdiction par le gouvernement», réplique le journaliste indien Sadanand Dhume, tandis qu’un autre internaute dénonce «l’attitude de l’autruche» de l’Inde, qui selon lui refuse d’affronter la réalité. Des pétitions ont également été mises en ligne sur le site Change.org pour demander la levée de l’interdiction de diffusion. Les parlementaires indiens, eux aussi, étaient divisés sur l'opportunité de cette interdiction.

« Fact: A critical documentary can't hurt India's « image » remotely as much as a knee-jerk government ban on it can. #IndiasDaughter #BanBBC — Sadanand Dhume (@dhume) March 5, 2015 »



« India is suffering from the ostrich syndrome . Head in the sand and pretend no one can see it. That no one is raping women in India #BanBBC — Zena Costa‏ (@zenacostawrites) March 4, 2015 »



De son côté, la télévision publique britannique défend sa décision d'avoir diffusé le «documentaire douloureux», «réalisé avec le soutien et la coopération des parents de la victime», comme un message en avertit le téléspectateur au début du film. La chaîne BBC 4, qui l'avait programmé pour dimanche, l’a passé dès mercredi, «pour permettre aux gens de voir au plus tôt ce documentaire incroyablement puissant», s'attirant des menaces de procès de la part de l'Inde. La réalisatrice Leslee Udwin, elle, dit avoir «le cœur brisé» par cette interdiction. Pour elle, «plus ils essaieront d'empêcher le film, plus l'intérêt des gens sera vif. Maintenant, tout le monde va vouloir le voir».