INTERVIEWNatacha Polony: «Je préfère les journalistes qui assument leur subjectivité»

Natacha Polony: «Je préfère les journalistes qui assument leur subjectivité»

INTERVIEWA la fois au «Grand Journal» sur Canal + et dans la matinale d’Europe 1, la journaliste Natacha Polony connaît une rentrée chargée…
Joel Metreau

Propos recueillis par Joel Metreau

Après trois saisons de l’émission «On n’est pas couché» sur France 2, là voilà sur Canal +. Depuis le 25 août, au «Grand Journal», Natacha Polony questionne les invités sur l’actualité et la politique aux côtés de Jean-Michel Apathie. Pour la troisième année consécutive, à l’antenne d’Europe 1, elle mène sa revue de presse lors de la matinale de Thomas Sotto. Entretien avec une journaliste d’opinion.

Quelle mission vous a fixé Canal + pour «Le Grand Journal»?

D’être moi-même, de faire ce que je sais faire, à la fois je l’espère, avec une forme d’exigence, mais aussi avec une manière de penser qui n’est pas la plus courante parmi les intervieweurs. C’est peut-être aussi parce que je n’ai pas une carrière de journaliste politique. Cette façon de voir provient de mon parcours, mon côté universitaire, prof et journaliste d’opinion.

Qu’entendez-vous par «journaliste d’opinion»?

L’objectivité totale n’existe pas. Quand on raconte un fait, les mots employés expriment une subjectivité. Le choix d’un mot implique une opinion. Je préfère les journalistes qui assument leur subjectivité. Cette soi-disant objectivité joue un rôle immense dans la désaffection des Français pour les médias. Les journalistes sont parmi les professions dans lesquelles ils ont le moins confiance.

Dans une interview, vous avez confié: «La télé a tendance à user, à vous cantonner dans un rôle.» Vous n’avez pas peur que cela se produise au «Grand Journal»?

Pour l’instant, je n’ai pas eu le temps. La télé use car les gens vous mettent instinctivement dans une case. Dans «On n’est pas couché», j’avais l’image de la remplaçante d’Eric Zemmour. Mais je pense avoir perverti ce système de cases, par exemple, parce que je ne crois pas au clivage gauche-droite, qui est obsolète.

Vous ne regrettez pas de ne pas avoir plus de temps pour exposer vos questions comme dans «ONPC»?

On ne peut pas comparer ces deux émissions. Dans la quotidienne, j’aime la tension du direct. Et puis, vu le temps que je passe en une semaine sur des sujets politiques et de société, je ne perds pas au compte. Au «Grand Journal», l’exercice consiste à être le plus précis pour aller à l’essentiel. On doit taper juste du premier coup. Cela demande un travail énorme en amont. Et puis, je ne traite plus de la culture comme «On n’est pas couché». C’était compliqué pour moi, par exemple de juger d’un album rock ou rap. Je préfère des sujets sur lesquels j’ai des connaissances. La question de la légitimité est importante.

De quelle manière travaillez-vous votre revue de presse à Europe 1?

Quand j’arrive à la radio à 4h40, je lis tout: la presse quotidienne, les hebdos, les sites Internet: Atlantico, Rue 89… Puis des mensuels différents: Le Débat, Néon, la revue Books. J’essaie de varier. Je ne viens pas avec un sujet imposé en tête, mais tous les matins avec une ouverture d’esprit. Je note les articles intéressants, je fais ma propre conférence de rédaction, je regarde les traitements d’actu et après je construis l’ordre de mes sujets. La revue de presse le matin sur Europe 1 m’aide aussi beaucoup pour «Le Grand Journal». Elle me permet de préparer mes interventions, mes questions.

Début juin, vous avez sorti Ce pays qu’on abat (Plon), un recueil de vos chroniques, notamment au Figaro. Pourquoi pas un autre essai?

J’en avais déjà fait, et là je n’ai pas eu le temps de travailler dessus. Ça me semblait intéressant de rassembler ces chroniques, car on a une vision de ce que peut être ma conception de la société. Je ne connais pas les chiffres de vente, mais mon éditrice est ravie.

Une quotidienne à la télévision vous expose encore davantage. Comment vivez-vous la notoriété qui accompagne cette visibilité?

C’est très déstabilisant, mais c’est bien. Il faut que la notoriété reste quelque chose qui ne soit pas naturel. Je n’arrive toujours pas à trouver cela normal.

Dans une interview à Gala, fin août, vous évoquez beaucoup vos trois enfants. Pourquoi?

J’évoque ma conception de l’éducation, mais je n’irai pas étaler les photos de mes enfants. Je n’ai d’ailleurs pas posé en famille. C’est une interview qui parle de mon travail et de la question de la transmission. C’est la raison pour laquelle je raconte comment je les éduque.