Sylvie Pierre-Brossolette (CSA): «Twitter est un formidable système d’alerte pour nous»
INTERVIEW•La présidente du groupe de travail «Droits des femmes» du Conseil supérieur de l’audiovisuel mise sur la loi sur l'égalité hommes-femmes pour lutter efficacement contre les stéréotypes à l’antenne…Anaëlle Grondin
Faire respecter la parité sur les écrans et sur les ondes. C’est la tâche ardue que s’est vue confier le CSA l’an dernier avec la création du groupe de travail «Droit des femmes» présidé par l’ex directrice-adjointe de la rédaction du Point Sylvie Pierre-Brossolette. A la veille du deuxième colloque «En avant toutes» de France Télévisions, elle fait le point sur les avancées et ce qu’il reste à faire pour parvenir à une juste représentation des sexes dans les médias et à se débarrasser des stéréotypes.
La présence des femmes à l’antenne était encore trop limitée en 2013. Qu’attendent les chaînes et radio?
La concertation menée depuis l’an dernier a commencé à porter ses fruits: France Télévisions a annoncé qu’il allait renforcer la présence des femmes sur les plateaux télé (30% avant la fin 2014 alors qu’il était à 18%) et prendre des engagements en matière d’emploi féminin en interne pour rééquilibrer les choses. Radio France dit vouloir 30% de femmes dans les matinales. Cela va dans le bon sens, mais ce n’est qu’un début. Il va aussi falloir s’attaquer aux stéréotypes à l’antenne.
Comment faire pour que les médias tiennent ces engagements?
La loi va nous y aider. Un paragraphe sur les missions du CSA a été intégré dans le projet de loi égalité hommes-femmes. Il devrait être définitivement voté cet été et nous permettre de veiller à une juste représentation des femmes, et encadrer la fabrication de programmes pour lutter contre les stéréotypes.
France Télévisions organise des colloques comme «en avant toutes», mais refuse de réagir aux critiques sur les commentaires misogynes aux JO de Sotchi. Une certaine contradiction, non?…
Nous sommes déjà intervenus sur une émission de Ruquier concernant des propos sexistes sur le foot féminin. Il y a un décalage inadmissible entre les engagements pris par le groupe et les propos tenus à l’antenne. Nous sommes encore en train d’examiner les propos tenus à Sotchi. On ne peut pas préjuger du vote du collège, mais il est possible que nous ayons une attitude similaire.
Dans la mesure où la chaîne va probablement continuer à faire appel aux mêmes commentateurs sportifs, est-ce qu’une sanction changerait quelque chose?
Entre temps la loi sera passée. Ce genre de propos complètement sexistes et portant atteinte à l’image de la femme pourront être sanctionnés. Chacun y prendra garde.
Vous ne trouvez pas ça aberrant qu’en 2014 on soit obligé de passer par des lois contre ce genre de propos?
Je suis sûre qu’il y a une dizaine d’années personne n’aurait fait trop attention. Il n’y avait pas les réseaux sociaux comme aujourd’hui. Les choses progressent. On ne supporte plus ce genre de propos discriminants, ça fait du bruit, et je m’en réjouis.
Avec Twitter les gens vous interpellent-ils plus qu’auparavant?
Forcément. D’ailleurs Twitter est un formidable système d’alerte! Je me réjouis de cet accompagnement citoyen. Nos remarques s’appuient sur un vrai mécontentement.
Vous avez aussi un regard critique sur les fictions et téléréalités…
Nous allons établir une grille d’indicateurs de stéréotypes pour essayer d’être le plus objectif possible pour juger un programme. S’il y a exagération, on verra en concertation avec les chaînes ce qu’elles peuvent faire comme effort. On ne va pas faire les ayatollahs mais on attirera leur attention. Les femmes sont majoritaires à regarder la télévision, je ne suis pas sûre qu’elles soient enchantées de se voir bimbo en miroir. Si on pouvait éviter certaines images comme celles de la femme qui ne travaille pas, un peu bête, qui ne se préoccupe que de sa beauté…