L’éventuel groupe Le Monde/Nouvel Observateur: «Puissant, mais moitié moins puissant que Lagardère»
MEDIAS – Quels seraient les conséquences du possible rachat par Pierre Bergé, Xavier Niel et Matthieu Pigasse du «Nouvel Observateur»? Patrick Eveno, spécialiste des médias, répond…Anne Demoulin
Le dossier du possible rachat du Nouvel Observateur par le trio d’actionnaire du groupe Le Monde, composé de Pierre Bergé, Xavier Niel et Matthieu Pigasse, soulève de nombreuses questions. Patrick Eveno, professeur à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne et spécialiste des médias, livre à 20 Minutes son analyse.
Si le rachat aboutissait, ne verrait-on pas apparaître un groupe de presse trop puissant aux mains de très puissants financiers proches du pouvoir?
La question ne se pose pas ainsi. L’industrie de la presse papier traverse actuellement une crise profonde et a besoin de muter vers le numérique. C’est une transformation fondamentale du business model et des rédactions. Un journal isolé ne peut affronter cela tout seul. La seule solution, c’est la mutualisation des forces. C’était déjà le projet de Jean-Marie Colombani, ancien directeur du Monde, lorsqu’il a racheté Télérama… A l’époque déjà, Claude Perdriel envisageait des synergies avec Le Monde. La crise du quotidien a fait avorter le projet. Claude Perdriel a besoin d’actionnaires puissants et d’assurer sa succession, il a 87 ans. Le rachat donnerait naissance à un groupe puissant, mais moitié moins puissant que Lagardère…
Comment le groupe Le Monde et le Nouvel Observateur vont-ils fonctionner après le rachat?
Les synergies ne se feraient pas sur le plan rédactionnel, en dépit des craintes des journalistes. En revanche, le Nouvel Observateur et le groupe Le Monde mutualiseraient le processus industriel, les services commerciaux, la gestion des abonnements, les régies publicitaires. Et surtout, l’investissement dans le numérique, ce qui fait actuellement défaut au Nouvel Observateur.
La rédaction de Rue89 s’est opposée à l’URL commune avec le Nouvel Observateur, verra-t-on l’apparition d’un portail Le Monde/Nouvel Observateur?
Il me semble qu’un site portail parapluie serait une mauvaise chose. Cela ferait perdre des lecteurs, attachés au titre. Les audiences des sites d’informations sont calculées par titre et non pas par groupe de presse. En revanche, du côté de la régie publicitaire, les audiences des différents sites vont être cumulées pour vendre des offres groupées aux annonceurs.