Présidentielle 2022 : Sabrina Roubache, les yeux et les oreilles d’Emmanuel Macron à Marseille
PORTRAIT•La jeune productrice est rapidement devenue l’une de celles sur laquelle l’Elysée s’appuie pour bâtir sa stratégie pour Marseille, à l’aune de la présidentielleMathilde Ceilles
L'essentiel
- En quelques années, Sabrina Roubache, jeune macroniste, est devenue la vigie du président de la République à Marseille.
- Celle qui est une amie intime du couple Macron a ainsi été consultée pour l’élaboration du plan Marseille en grand.
- Aujourd’hui conseillère régionale, cette novice en politique a récemment pris la direction du comité marseillais pour la réélection du président.
Perché au-dessus de la ville, tout le gratin macroniste de Marseille est là. En ce matin de novembre, jour de naissance officiel du comité pour la réélection du président Emmanuel Macron de la cité phocéenne, les députées Alexandra Louis et Claire Pitollat, qui œuvrent depuis cinq ans à l’Assemblée nationale, ont logiquement fait le déplacement à la Tour la Marseillaise. A leurs côtés figurent le maire et conseiller régional Jean-Pierre Serrus, ancien adjoint de Jean-Claude Gaudin à la métropole, aujourd’hui LREM. On aperçoit également Caroline Pozmentier, longtemps adjointe au maire de Marseille, ou encore Christophe Madrolle, dans le microcosme politique local depuis des années.
Mais c’est elle qui a le micro, au milieu de ses figures politiques locales. C’est elle, la débutante, fraîchement élue, qui a été chargée de coordonner ce petit monde, avec sa gouaille si éloignée du langage policée des hommes politiques expérimentés, dans l’optique de la campagne présidentielle. A 45 ans, Sabrina Roubache est devenue, en quelques années, un des piliers de la Macronie à Marseille. La jeune cheffe d’entreprise se retrouve propulsée dans le bain politique depuis qu’elle est devenue une amie intime du couple présidentiel, et notamment de Brigitte Macron. Une femme « top, qu’elle kiffe », selon ses dires.
D’IAM à Netflix
La rencontre avec le couple Macron se fait en 2016, à Marseille, lors d’un dîner avec les « forces vives » de la ville. Mais ce soir-là, le plan de table ne convient pas à Sabrina Roubache. Et pour cause : elle se retrouverait séparée de son mari, Philippe Agresti, alors doyen de la faculté de droit et placé près de Brigitte et Emmanuel Macron. « J’ai dit à Brigitte que je voulais être à côté de mon mec, se souvient Sabrina Roubache. Je venais de le rencontrer, j’étais trop à fond ! » Les deux couples se retrouvent côte à côte et discutent.
« On m’avait invité à ce dîner parce que j’ai fait Netflix, parce que je suis celle qui a un peu de réseaux de partout et que j’ai gardée, tout le monde le sait, mes liens dans les quartiers », résume Sabrina Roubache. Originaire de Félix-Pyat, une cité défavorisée dans laquelle elle a rencontré Akhenaton qui l’a fait démarrer sur les clips d’IAM, la jeune femme d’origine algérienne vient en effet de produire la série Marseille. Elle est par ailleurs connue pour être impliquée dans plusieurs associations de la cité phocéenne. « Je connais bien Marseille, se targue-t-elle. Du nord au sud, de l’est à l’ouest, j’ai des connexions de partout. »
« Celle qui a le lien direct »
Dix jours après leur première rencontre, Emmanuel Macron lui demande d’ouvrir son plus gros meeting de campagne, ce qu’elle accepte. Elle devient alors une des petites mains de la campagne présidentielle. S’en suit, avec la victoire d’Emmanuel Macron, une ascension rapide. Au fur et à mesure des années, sans n’avoir aucun mandat électif, Sabrina Roubache devient celle sur laquelle l’Elysée s’appuie pour prendre le pouls de la cité phocéenne. Une place stratégique à l’heure où la ville occupe une place centrale dans la politique du président avec la mise en œuvre du vaste plan « Marseille en grand ».
« Tu deviens de toute manière, malgré toi, celle qui a l’oreille, le lien direct avec le président, pour faire remonter des dossiers, résume Sabrina Roubache. Moi, je suis le trait d’union entre les conseillers du président et le terrain. » Quand Emmanuel Macron est en ville à la fin de l’été pour détailler « Marseille en grand », c’est Sabrina Roubache qui est sollicitée par l’Elysée pour aider à établir la liste des « forces vives » invitées à dîner au fort d’Entrecasteaux avec le président de la République.
« Heureusement qu’on me consulte ! »
« J’ai invité des invités à moi, reconnaît-elle. J’ai fait venir mon ancienne directrice de l’école Félix-Pyat par exemple. On te demande aussi qui tu aurais envie d’inviter et qui tu penses qui pourrait être invité. » Et de tempérer : « Mais c’est le président de la République et son cabinet qui font les invitations. Je dis pas : "Lui, non je ne l’aime pas !" On me consulte, et heureusement qu’on me consulte ! Je suis à Marseille chez moi. Je travaille quand même depuis des mois avec certains conseillers à l’élaboration de "Marseille en grand". »
Signe de l’étoffe qu’elle entend prendre dans cette carrière politique naissante : ces derniers mois, Sabrina Roubache est sortie de son rôle de femme de l’ombre, pour se lancer ouvertement dans la vie publique. Après avoir été une des chevilles ouvrières, et accessoirement mandataire financière de la campagne pour les municipales de son mari Jean-Philippe Agresti, candidat auprès de la LR Martine Vassal, la productrice a été élue en 2021 au conseil régional aux côtés de Renaud Muselier.
Un atout pour Muselier
Pour le président de la région Paca, Sabrina Roubache coche en effet toutes les cases. « C’est une femme, énumère-t-il. Une femme pour lequel j’ai de l’estime et qui me le rend. Ensuite, je n’ai plus Nora Preziosi [élue marseillaise des quartiers Nord]. Et je veux avoir quelqu’un qui soit représentatif de l’ouverture de la République. Et enfin, elle vient de la culture. »
La proximité de Sabrina Roubache en fait également un atout pour le président de région, qui a monté une liste d’union avec les marcheurs, avant de quitter Les Républicains. « Elle est "proche de", elle a ses relationnels avec En Marche, ce qui m’arrange, reconnaît ce vieux loup politique. J’apprécie que, quand Madame Macron vient à Marseille, à la fin de l’année 2021, Sabrina dise qu’il faut voir Renaud, et qu’après, j’ai un rendez-vous de près d’une heure et demie avec elle au Sofitel. Et Brigitte Macron a commencé à parler de ce qu’elle avait vu à Marseille, des clubs de boxe tout ça… Je lui ai dit qu’on allait parler politique. Quand même ! »
« Je suis là depuis le début »
Sabrina Roubache est aujourd’hui conseillère régionale spéciale en charge de la lutte contre les violences faites aux femmes et le harcèlement scolaire. « Maintenant, oui je fais de la politique, lance-t-elle. A ma manière, avec mes codes à moi et mon tempérament. » Et elle n’entend visiblement pas en rester là, dans la campagne électorale qui s’annonce. « L’expérience en politique ne fait pas le politique, affirme-t-elle. Je suis peut-être la moins expérimentée, mais je suis la plus fidèle. Je suis là depuis le début, quand tout le monde était pour Fillon. »
La jeune femme vient d’ailleurs de sortir un livre, Moi, la France, je la kiffe !, aux éditions Albin Michel, dans lequel elle revient sur son parcours et ses engagements. Coïncidence ? Cette publication intervient quelques jours avant la visite, prévue de longue date, du président de la République, durant laquelle Emmanuel Macron veut pouvoir mesurer les avancées permises par son plan pour Marseille.