Faut-il avoir peur du loup ?

Paca : Faut-il avoir peur du loup ?

CANIS LUPUSL’animal sauvage gagne du terrain dans la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, où il constitue davantage une menace économique qu’une menace pour l’homme
Alexandre Vella

Alexandre Vella

L'essentiel

  • Des loups ont successivement été aperçus, dans les calanques aux portes de Marseille, à proximité d’un collège du Var, et dans la cour d’une habitation de Haute-Provence.
  • Une audace qui vient à se poser la question de sa potentielle menace pour l’homme.
  • Une étude norvégienne a recensé entre 2002 et 2020 les attaques de loup sur des êtres humains dans le monde.

Le loup prend ses aises en Provence et Haute-Provence. Ces deux dernières semaines, l’animal a été successivement aperçu dans la périphérie d’Hyères ( Var), où un loup a attaqué un troupeau de brebis qui paissaient dans une prairie a été attaqué à 100 mètres d'un collège, puis vu par une habitante des Alpes-de-Haute-Provence qui soupçonne l’animal de venir jusque dans sa cour manger les croquettes de ses chats.

Deux histoires rapportées par Var Matin et La Provence qui interrogent et pourraient inquiéter. Jusqu’où peut aller le loup ? Jusqu’aux portes de Marseille, déjà, où un couple a été identifié début décembre, dans les Calanques. Pour autant, faut-il craindre de voir Canis lupus s’approcher des aires urbaines ? « C’est l’inverse qui serait étonnant, avance Roger Mathieu, référent loup pour France nature environnement. Ce qui serait incroyable, c’est bien que des loups ne traversent pas les villes. Le loup est un animal très adaptable, malin et opportuniste. Son comportement, c’est de faire peu de cas des êtres humains. »

Près de 500 attaques dans le monde sur des humains en dix-huit ans

Dans une étude publiée en janvier 2021, le Norwegian Institute for Nature Research a tenté de recenser le nombre d’attaques commises par des loups sur des humains dans le monde entre 2002 et 2020. Sur cette période de dix-huit années, en se fondant sur les publications médiatiques et les observateurs d’experts régionaux, les chercheurs estiment « élevée » leur couverture en Europe et en Amérique du Nord, et à « au mieux bon » en Eurasie. Reste qu’ils ont recensé 489 victimes humaines, dont 26 mortelles. Pour 14 d’entre elles, il s’agissait d’attaques de loups enragés, précise l’étude. Sur l’ensemble de la période, les chercheurs n’ont collecté que 12 preuves d’attaques de loup en Europe et en Amérique du Nord, région où les deux seules mortelles ont eu lieu. « Considérant qu’il y a près de 60.000 loups en Amérique du Nord et 15.000 en Europe, tous partageant l’espace avec des centaines de millions de personnes, il est évident que les risques associés à une attaque de loup sont supérieurs à zéro mais trop faibles pour être calculés », conclut la publication.

Une menace économique avant tout

Cela dit, comment expliquer que les loups s’approchent des humains et de leurs habitats ? « Le loup vit dans un paysage humain, parce qu’il y a des humains partout, énonce simplement Roger Mathieu. Et, comme le renard, il n’a pas spécialement peur de l’être humain. En Italie, ou en Espagne, où le loup n’a jamais disparu, il n’est pas rare d’en voir traverser des villages. » La plupart du temps, il s’agit d’un loup « disperseur », qui a quitté sa meute, devenue trop nombreuse, et cherche un nouveau territoire. Dans son errance, « il est susceptible de parcourir 1.000 ou 2.000 km et de traverser des villes, détaille le référent loup. C’est ce qu’ont prouvé les différentes études avec balises GPS conduites en Espagne ou en Allemagne. »

Mais pourquoi alors une si mauvaise réputation et une pareille crainte ? Le loup peut avant tout passer comme une menace économique lorsqu’il s’en prend aux troupeaux. Aussi, il a longtemps été diabolisé, notamment à une époque où la rage était très répandue. « La répartition des attaques de loups enragés suit de près la répartition des cas de rage chez l’homme et les autres espèces sauvages », constatent les chercheurs dans leur étude. « Mais vous n’empêcherez jamais aux gens de croire au Petit Chaperon rouge », conclut Roger Mathieu.