TRAFIC DE STUPEFIANTSLa crainte d'« une escalade de la violence » liée à la drogue à Marseille

Marseille : Les syndicats de policiers craignent « une escalade de la violence » liée au trafic de drogue

TRAFIC DE STUPEFIANTSAu lendemain d’une agression des forces de l’ordre dans une cité de Marseille lors d’une opération contre le trafic de stupéfiants, les syndicats lient la violence croissante à la politique de « pilonnage » menée actuellement
Mathilde Ceilles

Mathilde Ceilles

L'essentiel

  • Un homme interpellé par des policiers lors d’une opération antidrogue a réussi à s’échapper après l’agression de deux forces de l’ordre dans une cité de Marseille.
  • Cette escalade de violence inquiète les syndicats de police, qui réclament des moyens supplémentaires.
  • Ils y voient aussi un lien avec la politique dite de « pilonnage » des points stups érigés au rang de priorité par le gouvernement

Un policier blessé à la tête par un coup de bâton, un autre à la main, alors qu’ils étaient venus procéder à une interpellation dans le cadre d’une opération antidrogue. Un suspect menotté dans le dos qui profite de l’agression pour s’échapper. La scène s’est produite ce lundi dans la cité de Frais-Vallon, dans les quartiers Nord de Marseille​, comme l’a révélé La Provence. Des faits violents qui interviennent dans un contexte déjà tendu à Marseille sur le plan du trafic de stupéfiants. Depuis l’été dernier, le nombre de règlements de comptes dans la cité phocéenne connaît une explosion sans précédent, de l’aveu même de la procureure de la République Dominique Laurens.

En parallèle, le gouvernement s’est glissé depuis plusieurs mois dans une posture de fermeté face au trafic, avec un seul mot d’ordre : le « pilonnage » systématique et répété des points stups. « On ne lâchera rien », disait encore la semaine dernière le président de la République, lors de sa visite au commissariat de la division Nord. « On a des résultats croissants, on va continuer et aller au bout, en créant l’irréversibilité de la fermeture des points de deal. »

« Les dommages collatéraux d’une politique »

Une stratégie qui, sur le terrain, n’est pas sans conséquence, à en croire les policiers eux-mêmes. « Ce qui s’est passé hier, ça faisait fort longtemps que ça n’était pas arrivé à Marseille, estime Rudy Manna, secrétaire départemental du syndical policier Alliance dans les Bouches-du-Rhône. Et l’une des hypothèses d’explication, ça peut être que cette politique de harcèlement au quotidien les emmerde et mène peu à peu à une escalade de la violence. Puisqu’on les gonfle, en face, ils ont aussi une capacité à monter en gamme à chaque fois qu’on fait des interpellations, dans des cités où c’est déjà chaud bouillant. »

« Cette violence, c’est un peu les dommages collatéraux de cette politique-là, abonde Bruno Bartocetti. Le fait que des policiers soient pris à partie comme cela démontre qu’on les gêne dans leur trafic. On occupe le terrain, on est présents. » Une situation qui n’est pas sans inquiéter Rudy Manna. « Pour nous, pour nos collègues, c’est encore plus dangereux avec cette montée de violences », estime-t-il. « Il y a un vrai besoin d’effectif pour permettre de travailler avec plus de sécurité, réclame Bruno Bartocetti, secrétaire national délégué de la zone Sud du syndicat SGP police. On est là pour faire ce travail, mais il nous faut des moyens. Le renfort d’effectif annoncé par le président de la République va permettre à nos collègues d’être plus serein. »

« Tout ne peut reposer sur les seules épaules de la police »

D’autant que les personnes interpellées ces derniers temps ne sont pas forcément des « gros bonnets » du trafic. Ainsi, en pleine visite présidentielle, et au lendemain d’un reportage de l’émission Quotidien au cœur de la cité des Flamants, le ministre de l’Intérieur s’était fait l’écho d’une « importante opération » dans ce quartier du 14e arrondissement de Marseille. En réalité, les policiers avaient mis la main sur deux consommateurs, un guetteur condamné à du sursis et un vendeur. « Ce n’est pas en arrêtant quelques guetteurs qu’on arrêtera le trafic de stupéfiants à Marseille, estime Rudy Manna. Ca les énerve, ça les fait chier, mais ce n’est pas la solution. »

« Tout ne peut pas reposer sur les seules épaules des policiers, estime Bruno Bartocetti. Il faut que ces zones-là cessent d’être des zones de non-droit à l’emploi et au service public. Contre le trafic de stupéfiants et la violence, il faut une réponse globale. » Contactée, la préfète de police des Bouches-du-Rhône n’a pas donné suite à nos sollicitations à l’heure où ces lignes sont écrites.