INTERVIEW« Quels résultats Macron peut-il avoir à Marseille en si peu de temps ? »

Présidentielle 2022 : « Macron ne peut pas transformer Marseille en si peu de temps », estime le politologue Nicolas Maisetti

INTERVIEWPour le politologue Nicolas Maisetti, la stratégie d’Emmanuel Macron, qui érige Marseille en « laboratoire » de sa politique, relève plus d’une logique de communication de campagne
Mathilde Ceilles

Propos recueillis par Mathilde Ceilles

Il l’a dit et répété : à quelques mois de l'élection présidentielle, Emmanuel Macron veut faire de Marseille son laboratoire à ciel ouvert. Dans une interview accordée à La Provence au dernier jour de visite, le président de la République a enfoncé le clou, évoquant la volonté de faire de Marseille un « démonstrateur ». Une stratégie qui relève plus de la communication politique que de la volonté – si ce n’est la possibilité – de changer profondément les choses, analyse le politologue Nicolas Maisetti dans un entretien accordé à 20 Minutes.

Quel intérêt Emmanuel Macron a-t-il de faire de Marseille son laboratoire politique ?

Il y a tout d’abord un facteur structurel. Marseille est depuis longtemps une terre de laboratoire, d’expérimentation de politiques publiques, notamment en termes de politique de la ville. N’est-ce pas là, par exemple, que les zones franches ont été expérimentées dans les années 1990 ? Cette logique de laboratoire n’est donc pas nouvelle, puisque Marseille concentre, avec un miroir grossissant, beaucoup de difficultés.

Il y a aussi un facteur conjoncturel : une conjonction de facteurs d’opportunité. A l’origine, Emmanuel Macron devait venir à Marseille pour le Congrès mondial de la nature. Il y a eu ensuite, cet été, une recrudescence des règlements de compte qui a accéléré le calendrier sur le plan sécuritaire. Et puis la fameuse blanquette de veau partagée au printemps dernier à l’Elysée avec le maire de Marseille, ce qui a, de fait, fixé un rendez-vous pour la suite.

N’est-ce pas aussi un moyen pour Emmanuel Macron de se créer un ancrage local ?

Je ne crois pas à trop à cela, à vrai dire. Il n’aura jamais la légitimité locale d’autres élus de terrain. S’il dit vouloir faire de Marseille son laboratoire, c’est plutôt en utilisant Marseille pour envoyer des messages, en vue de préparer son programme pour son prochain mandat. C’était la rentrée, il y avait le Congrès mondial de la nature, un nouveau maire, des règlements de comptes. Il fallait bien lancer la campagne quelque part.

Et ce n’est parce qu’on aime Marseille, comme Emmanuel Macron qu’on le dit, qu’on aura le vote des quartiers populaires. Ce discours au Pharo, cette visite, c’était plutôt une expérimentation de sa campagne qui arrive. Il lance une thématique, une idée, et il voit comment cela prend dans le débat public, comme il a pu le faire avec le choix des enseignants par les directeurs d’école.

Mais Emmanuel Macron a formulé auprès des élus locaux une exigence de résultats. Le président a en effet dit qu’il reviendrait dans six semaines, et en février, pour s’assurer que son plan soit bien respecté…

Je fais un comparatif avec son discours tenu au Liban, où il avait tenu ce même discours, d’un style au mieux paternaliste, au pire colonialiste. Il réemploie cette technique déjà vue. Mais lorsque l’expérimentation d’une politique publique est menée, jusqu’ici, elle n’était presque jamais évaluée avant qu’on décide de son abandon ou de son extension.

La question qui se pose ici, c’est : qu’est-ce qu’Emmanuel Macron va pouvoir évaluer en six semaines ? Qu’est-ce qu’il peut vraiment changer en dans ce délai ? Le président ne peut pas transformer Marseille en si peu de temps. Cette logique de laboratoire pose problème d’un autre point de vue. Quand on lance une expérimentation, on le fait en tenant compte du territoire dans laquelle elle est testée. A Marseille, le territoire est très particulier. Comment appliquer ailleurs ce qui a été pensé pour Marseille ?