Marseille est-elle enfin en piste pour développer la pratique du vélo?

Marseille : La ville est-elle enfin en piste pour développer l’usage du vélo ?

MOBILITELe 8 mai, les adeptes de la bicyclette ont profité du déconfinement pour faire entendre leur voix à Marseille. Les pouvoirs publics – mairie comme Métropole – tentent de devancer ce peloton revendicatif
François Maliet

François Maliet

Samedi 8 mai, 14 h 30, aux Réformés, haut de la Canebière (1er). La fanfare du Pompier Poney Club fait résonner ses instruments devant une nuée de cyclistes ayant mis pied à terre. Prête pour le départ, appuyée à son vélo de randonnée, Estelle explique les raisons de sa présence à cette première Vélorution de déconfinement : « Il est compliqué de circuler à vélo à Marseille, de se garer, de ne pas se le faire voler. La ville manque d’infrastructures pour pouvoir se déplacer correctement à vélo. » Dans sa vie d’avant, elle habitait à Nantes (Loire-Atlantique). Alors, forcément, elle ne peut s’empêcher de comparer : « Pour le vélo, c’est quand même beaucoup mieux là-bas ».

« Nous sommes le trafic »

Camille renchérit, détaillant les raisons de cette manifestation qui a rassemblé près de 300 personnes. « Nous nous mobilisons pour montrer que nous sommes nombreux, et qu’il y a besoin de plus d’aménagements. » S’il concède « qu’il y a des efforts de faits », il considère que « ce n’est pas suffisant ». Le credo de ces militants de la petite reine ? « Nous ne bloquons pas le trafic, nous sommes le trafic ! » Distinguo subtil pour ces usagers des voies publiques à qui la voiture laisserait trop peu de place.

Leur combat est tel qu’ils mobilisent même des élus. La preuve ? Casque vissé sur le crâne et masque sur le nez, Didier Jau, maire écologiste des 4e et 5e arrondissements, fait partie des manifestants. « La "masse critique" (manifestation à bicyclette organisée simultanément dans plusieurs villes, Ndlr) est extrêmement importante, explique-t-il. C’est le nombre qui va permettre d’influer sur les politiques publiques pour développer les mobilités douces. Il faut pouvoir se déplacer à vélo sans se mettre en danger. »

« Marseille n’est pas adaptée à la voiture »

Mais Marseille est-elle vraiment l’écrin idéal pour la petite reine ? Outre le manque d’infrastructures dénoncé par ce rassemblement, son relief collinaire ne facilite guère les tours de roues sur petit pignon. Un argument que Camille balaie d’un revers : « En fait, c’est l’inverse, Marseille n’est pas une ville adaptée à la voiture. Il n’y a quasiment pas de grands boulevards comme à Lyon ou à Paris, mais une multitude de petites rues. Marseille manque de place, elle est donc toute indiquée pour accueillir des bicyclettes. Et puis, il y fait beau presque toute l’année, et il y a beaucoup moins de vent qu’en Hollande », pays du vélo.

Le militant ne conteste pas le danger que représente la circulation automobile, mais argumente : « On voit de plus en plus de familles à vélo. Et ça, c’est un vrai marqueur, cela montre que la ville s’apaise dans ce domaine. » Un exemple ? Charles, président du Vélo club Excelsior Marseille, conduit ses enfants à leur école à la Pointe-Rouge tous les matins depuis le centre-ville grâce à un vélo cargo même pas électrique. « J’ai fait le calcul, assure-t-il. En pédalant, on met 17 minutes. En voiture, entre 35 et 47 minutes selon la circulation. »

Plan vélo 2019-2024

Mais alors, quelles sont les réponses apportées par les pouvoirs publics à ces Marseillais aux mollets d’acier ? Du côté de la Métropole, un plan vélo 2019-2024 a été adopté, et comporte trois axes principaux : « Développer l’usage du vélo dans les trajets du quotidien », « favoriser l’accès au vélo au plus grand nombre » et « renforcer l’attractivité́ du territoire et sécuriser l’usage du vélo ». Au programme, on trouve la création de lignes vélos sécurisées, comme celle reliant Marseille à Aubagne par la vallée de l’Huveaune, récemment annoncée par l’établissement public. A terme, soit en 2030, on pourrait circuler sur 280 km de pistes cyclables dans l’aire métropolitaine. Mais la mise en place de ce plan serait trop lente aux yeux des cyclistes rassemblés samedi.

A titre de comparaison, les agglomérations de Toulouse et Strasbourg comptent chacune environ 600 km de voies réservées à la bicyclette. Pour Marseille intra-muros, difficile d’avoir les chiffres actuels. Mais la Métropole promet « un réseau de 85 kilomètres opérationnel à horizon 2024 et près de 130 km en 2030 ». Enfin, certaines des « corona pistes » tracées en juin dernier sur 6 km au total après le premier confinement pourraient être pérennisées cet été. Mais d’aucuns gardent en mémoire le retrait de celle du Prado quelques jours à peine après son installation…

1.000 vélos électriques

Plus récemment, la Métropole a annoncé le lancement d’un appel d’offres « pour la mise en place de 2.000 vélos électriques en libre-service à Marseille en 2023 ». Mais elle risque de se faire prendre de vitesse par la mairie du Printemps Marseillais, qui annonce 1.000 vélos électriques en libre-service dans la ville d’ici… le 23 mai de cette année, l’objectif étant de promouvoir un mode de déplacement « décarboné » pour limiter pollution et embouteillages. L’opérateur sélectionné devrait être désigné le 17 mai. Serait-ce le début d’une affaire qui roule, sur fond de sprint politique entre Ville et Métropole ?