EPIDEMIELes familles du « Charles de Gaulle » entre angoisse et impatience

VIDEO. Coronavirus à bord du « Charles de Gaulle » : « Il n’a qu’une hâte, c’est rentrer à la maison », les familles des marins en pleine angoisse

EPIDEMIEL’équipage du Charles de Gaulle a été placé en quarantaine dans les environs de Toulon, après trois mois de missions en mer, alors qu’un tiers des marins a été testé positif au coronavirus.
Mathilde Ceilles

Mathilde Ceilles

L'essentiel

  • Un tiers de l’équipage du Charles de Gaulle a été testé positif au coronavirus.
  • L’ensemble des marins du porte-avions a été placé en quarantaine.
  • Le confinement est une expérience compliquée pour les familles de ces marins, qui s’entraident toutefois pour y faire face.

Un véritable cluster flottant. Près de 670 marins, soit un bon tiers de l’équipage du Charles de Gaulle, ont été testés positifs au coronavirus en quelques jours. Un bilan temporaire, encore amené à gonfler. Les 1.767 marins ont dû rentrer précipitamment à Toulon ce dimanche pour être placés en quarantaine. Le tout, a priori, pour une quinzaine de jours, dans plusieurs bâtiments du Var.

Une situation délicate à vivre pour ces marins et leurs proches. « Je comprends la colère des familles, confie ainsi Mélodie*, femme de marin, dans un communiqué de l’association de soutien et d’accompagnement des familles de marins (Asafm). Le quotidien que nous vivons est déjà compliqué avec le confinement, l’école à la maison, le manque de vie sociale, de défouloir… Cette situation, c’est des nouvelles angoisses, des nouvelles inquiétudes… »

« On sait qu’on est à côté »

« C’est horrible, abonde Célyne, dont le futur mari, hospitalisé pendant trois jours, est désormais confiné à quelques kilomètres de chez elle, à Hyères, après avoir contracté le coronavirus à bord du Charles de Gaulle. On sait qu’on est à côté. On peut se voir en visio, mais on ne peut pas se voir en vrai… » Et de s’interroger : « On ne sait pas du tout quand on va pouvoir se retrouver. J’ai mon côté possessif qui veut le voir rentrer le plus vite possible à la maison. Mais je me dis aussi qu’il est peut-être judicieux qu’il poursuive le confinement à bord, qu’il dorme sur le bateau pour éviter tout contact. Je ne suis pas médecin, on ne sait pas combien de temps il est contagieux… »

« Je suis rassurée quand même car mon conjoint, qui a été testé négatif, est suivi deux fois par jour avec une prise de température et des saturations par une équipe médicale, assure Mélodie. Je me suis conditionnée en me disant et surtout en réalisant que cette quatorzaine est pour nous préserver et aussi pour le préserver car il ne faut pas oublier que nous pouvons aussi le contaminer. »

« Il a du réseau ! »

Le confinement a de plus des vertus pour les femmes de marins qu’on ne saurait soupçonner, selon Célyne. « Il a du réseau ! On peut s’appeler et se voir ! Je sais que ça peut paraître bizarre… Pour les autres, c’est tellement normal de pouvoir communiquer librement et avoir le téléphone. Pour nous, non. Depuis quatre mois, mon mari vit isolé du monde. Il peut m’envoyer un mail de temps en temps, et m’appeler si le coup de fil ne dépasse pas quinze minutes. Alors là, on en profite et on rattrape le temps perdu ! »

Une véritable entraide entre les familles de marins s’est de plus créée pour mieux vivre ce confinement. « Des mesures de soutien sans précédent ont été mises en place, de façon admirable et efficace, au profit des familles et des marins, que ce soit par le réseau associatif, institutionnel ou le "simple" bénévolat », se réjouit l’Asafm dans un communiqué. L’association a ainsi mis en place un service de livraison d’achats alimentaires au profit des familles impactées par l’absence du marin et/ou de la quarantaine. Une collecte de colis à destination des marins en quarantaine a également été organisée.

« Il n’a qu’une hâte, c’est rentrer à la maison »

« Nous sommes plusieurs conjointes en contact via les réseaux sociaux, ce qui aide vraiment dans le quotidien, pour se rassurer, vider son sac et se changer les idées surtout », souffle Mélodie. L’absence commence en effet à s’éterniser pour certains. « Mon mari, il n’a qu’une hâte, c’est rentrer à la maison, convient Célyne. Imaginez, depuis son départ au mois de janvier, ça commence à faire long… »

En effet, la dernière fois que la jeune femme a vu son futur mari, c’était le week-end du 14 mars, lors d’une escale du Charles de Gaulle à Brest. L’avant-veille, dans la soirée, le président de la République s’était adressé aux Français, décrétant une fermeture imminente des écoles pour tenter de ralentir l’épidémie de coronavirus.

Derniers contacts à Brest

La « journée familles », traditionnellement organisée lors de ces escales, avait alors été annulée. Mais les proches des marins ont tout de même eu l’autorisation de voir les soldats, une fois à terre. « On est allé visiter la ville, se souvient Célyne. On a partagé le restaurant avec d’autres marins du Charles. Et on est allé trinquer avec d’autres marins brestois que l’on connaît qui ne sont pas forcément sur le Charles. »

L’anecdote peut paraître banale… mais elle ne l’est pas. Cette virée brestoise correspond en effet au dernier contact du bateau et son équipage avec l’extérieur. Or, quelques jours plus tard se déclaraient les premiers cas de coronavirus à bord de ce qui est un immense huis clos. Une enquête dont on ignore pour l’heure les conclusions est en cours pour déterminer précisément comment ce virus a pu contaminer une grande partie de l’équipage.

*Le prénom a été modifié