Coronavirus à Marseille : Audiences, plaidoiries... Les tribunaux à l'heure du confinement
JUSTICE•Malgré l'épidémie de coronavirus, les tribunaux de Marseille restent ouverts et la justice tente de suivre son cours, conformément aux volontés de la Garde des SceauxMathilde Ceilles
L'essentiel
- Malgré l’épidémie de coronavirus, les tribunaux doivent continuer à tourner.
- A Marseille, on tente de s’organiser, entre des contraintes de calendrier et d’autres contraintes sanitaires.
Prévu initialement début janvier, puis reporté quelques semaines après en raison de la grève des avocats, puis une troisième fois pour ce jeudi 2 avril, le procès Jibrayel, du nom de cet ancien député socialiste marseillais accusé de détournement de fonds, devrait une nouvelle fois être reporté. La faute cette fois à la crise sanitaire du coronavirus, qui contraint les tribunaux comme ceux de Marseille à totalement se réorganiser, et ce d’une manière inédite.
Depuis le confinement, fini le ballet d’avocats, de prévenus, de journalistes, de policiers et de curieux qui défilait dans les couloirs des tribunaux marseillais. Pour autant, la crise sanitaire du coronavirus n’est pas venue signer l'arrêt complet de la Justice, conformément aux demandes de la Garde des Sceaux.
« On travaille ! »
« Certes, il y a moins de monde, concède la procureure de la République de Marseille Dominique Laurens. Mais on travaille ! » A peine le confinement décidé, Nicole Belloubet a ordonné la fermeture des tribunaux sauf pour les « contentieux essentiels ». Plus précisément, ce terme englobe « les audiences correctionnelles pour les mesures de détention provisoire et de contrôle judiciaire », les « comparutions immédiates », « les présentations devant le juge d’instruction et le juge des libertés et de la détention ». C’est également le cas des « audiences du juge de l’application des peines » ainsi que celles du « tribunal pour enfants et du juge pour enfants » pour « la gestion des urgences », ou encore « les permanences du parquet ».
« Le tribunal n’est pas vide du tout, précise la procureure de la République. Au niveau du parquet, on est une équipe d'onze personnes. Au niveau du greffe, ils sont nombreux aussi. Il y a vraiment du monde. On essaie de répondre à toutes les urgences. »
Une histoire de calendrier
La première d’entre elles consiste à refondre totalement le calendrier des audiences, compte tenu de la réduction drastique de l’activité. « Toutes les semaines, on a deux magistrats du parquet et du siège qui vont regarder l’ensemble des audiences prévues, détaille Dominique Laurens. Admettons, aujourd’hui, il y avait neuf audiences prévues. La semaine précédente, on a examiné ces audiences et on a retiré tous les contentieux essentiels pour les replacer sur une seule et unique audience, de sorte qu’on a qu’une seule audience par jour, sauf les lundis et les jeudis, où il y en a deux. »
Les audiences pour violences conjugales font partie des priorités édictées par le gouvernement aux différents parquets. « Mais nous traitons aussi les autres contentieux, insiste Dominique Laurens. Nous avons eu récemment des affaires de cambriolage par exemple. Et nous avons ce mercredi une audience de trois entreprises pour des déclarations de cessation de paiement. »
Vols de gel hydroalcoolique
Des procédures durant lesquelles il faut toutefois tenter, malgré tout, de protéger la santé de chacun, alors que l’épidémie de coronavirus ne cesse de gagner du terrain à Marseille. « La question du respect d’une sécurité sanitaire suffisante se pose, s’interroge Me Yann Arnoux-Pollak, bâtonnier de Marseille. Le problème est qu’on est dans le tâtonnement. Je suis juriste, pas scientifique. Est-ce que les mesures qui seront prises seront suffisantes ? »
« On a mis du gel hydroalcoolique pour que les personnes puissent se laver les mains, affirme Dominique Laurens. On l’amène spécifiquement dans la salle en début d’audience, car en le laissant devant, ils nous étaient volés… On respecte les gestes barrières et les salles d’audience permettent d’être éloignés les uns des autres. Et pour les détenus aux dépôts, nous avons réussi à faire placer du savon et du gel hydroalcoolique. Mais à titre professionnel, ni les magistrats ni les fonctionnaires de la juridiction ne disposent de masques. »
La procureure de la République de Marseille appréhende d’ores et déjà une autre problématique : le retour à la normale, qui ne sera pas si normal que ça… « La reprise va être très compliquée, prédit Dominique Laurens. On est passé de cinq à six audiences pénales par jour à une ! Il va falloir réenclencher la mécanique, après au moins trois mois de grèves des avocats. Ça ne va pas être simple… »