Inondations dans le Sud-Est : Que sait-on du crash de l’hélicoptère des trois secouristes aux Pennes-Mirabeau ?
ACCIDENT•Trois personnes ont perdu la vie dans un crash d’hélicoptère en portant porter secours aux victimes des inondations dans le sud de la FranceMathilde Ceilles
L'essentiel
- Trois secouristes se sont crashés près de Marseille, alors que leur hélicoptère partait dans le brouillard aider les victimes des intempéries dans le Var.
- L’émotion est vive dans les Bouches-du-Rhône, en particulier chez les pompiers qui ont perdu un des leurs.
- Une enquête est en cours pour faire la lumière sur ce drame, pour l’heure bien mystérieux.
De notre envoyée spéciale aux Pennes-Mirabeau et à Marignane (Bouches-du-Rhône),
Devant la caserne de pompiers de Marignane, Stéphane Savornin peine à contenir son émotion. « Je n’ai qu’un gros regret, c’est que je ne l’ai pas vu depuis presqu’un mois, je l’ai eu au téléphone vendredi. Il est parti en héros. Il est mort pour sauver les autres. » Son frère Norbert, pompier des Bouches-du-Rhône, fait partie des trois victimes du crash d’un hélicoptère, survenu dans la nuit de dimanche à lundi. Quelques heures après le drame, 20 Minutes fait le point sur cet accident qui suscite l’émotion mais qui soulève aussi de nombreuses questions.
Que s’est-il passé ?
Le crash survenu ce dimanche dans la soirée s’est produit aux Pennes-Mirabeau, dans les Bouches-du-Rhône, tout près de l’aéroport de Marseille-Provence. L’hélicoptère s’est écrasé dans une zone escarpée de cette commune au nord de Marseille, au milieu des collines qui constituent le massif de la Nerthe, dans un secteur dépourvu de toute habitation à plusieurs mètres à la ronde. Cet hélicoptère et son équipage avaient porté secours aux différentes victimes des intempéries qui ont frappé le sud-est de la France. Le crash est survenu alors que l’engin venait de redécoller de l’aéroport de Marseille.
« Parmi les hélicoptères qui sont intervenus, l’un des nôtres a procédé à treize hélitreuillages et à préserver la vie de cinq personnes à Pertuis, précise le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner, qui s’est rendu sur les lieux du crash. A la fin de cette mission, il a été orienté pour intervenir sur le Var où nous avions aussi besoin de lui. Au moment de repartir de Marignane, nous avons perdu trace de l’hélicoptère vers 21h30. Nous avons lancé activement un plan de recherche. Et hélas, à 1h14, l’hélicoptère de l’armée venu en appui, a constaté que cet hélicoptère s’était accidenté ici. Quelques minutes plus tard, les pompiers des Sdis des Bouches-du-Rhône, mobilisés pour cet exercice de recherche se sont rendus sur place et n’ont pu hélas que constater le décès des trois hommes qui étaient dans l’hélicoptère. »
« Trois de nos concitoyens engagés de la Sécurité civile ont disparu en hélicoptère alors qu’ils secouraient les victimes des intempéries dans le Sud. À leurs camarades sapeurs-pompiers et secouristes, à leurs familles, soyez assurés du soutien de la Nation qu’ils ont tant servie », a salué sur Twitter le président Emmanuel Macron. Le Premier ministre Edouard Philippe a lui aussi rendu hommage à « ceux qui servent nos concitoyens [et] font souvent preuve d’un immense courage ».
Qui sont les victimes ?
L’ensemble de l’équipage à bord de cet hélicoptère a péri dans ce crash. L’engin transportait un pompier plongeur, Norbert Savornin, qui faisait partie des onze pompiers spécialistes de l’hélitreuillage dans les Bouches-du-Rhône. Père de deux enfants, cet homme, qui allait avoir 45 ans en février selon le président du SDIS des Bouches-du-Rhône, Richard Mallié, s’était engagé comme pompier volontaire en 1991 à Marignane. « Il est devenu professionnel en 2003 et a été affecté il y a quatre ou cinq ans à Martigues, après être passé par Port-de-Bouc. », précise Richard Mallié.
Devant la caserne de Marignane, où le ministre de l’Intérieur est venu à la rencontre des collègues de Norbert Savornin, Richard Savornin, bien que troublé, tient à rendre hommage à son frère. « C’était un passionné, à fond dans son métier, confie-t-il. Il est très droit avec une grande gueule. Chez nous, on naît pompier : j’ai été pompier, mon père était pompier… Depuis tout petit, il était dans ce métier-là, c’est tout ce qu’il aimait, sauver des vies. Et aujourd’hui, il n’est plus là. On a toujours eu peur que ça arrive, et c’est arrivé… C’était un vrai professionnel, il passait plus de temps à la caserne que chez lui. La France pleure non pas 13 mais 16 héros », estime-t-il, faisant référence à l’hommage rendu ce lundi aux soldats mort au Mali.
La famille Savornin, bien connue à Marignane, est une famille historique des pompiers de la commune, au point que l’un des bâtiments de la caserne porte le nom du père de la victime. « Je connaissais Norbert depuis tout petit, j’ai été son professeur de sport, confie le maire de Marignane, Eric Le Disses. Cette famille a sauvé je ne sais pas combien de vie. Marignane est touché au plus profond d’elle-même. » « C’était un très bon élément, affirme Richard Mallié. Il était sergent-chef et très apprécié de ses camarades. Je suis passé dans la matinée à la caserne de Marignane, et je n’avais jamais vu autant de monde dans la cour. Ils étaient tous abasourdis. J’ai même vu des pompiers pleurer. »
Les deux autres victimes s’appelaient Jean Garat et Michel Escalin, pilote et mécanicien au sein de la Sécurité civile et tous deux basés à Nîmes, où le ministre de l’Intérieur s’est rendu dans l’après-midi. « Le pilote était particulièrement expérimenté », selon Christophe Castaner.
Comment expliquer ce drame ?
Une enquête a été ouverte et confiée à la section de recherche de la gendarmerie des transports aériens, spécialisée sur ces questions, selon des déclarations sur place du procureur d’Aix-en-Provence, Achille Kiriakides. « Le crash a été violent », selon le procureur de la République, qui n’écarte pour l’heure aucune hypothèse sur un accident qui suscite beaucoup d’interrogations.
La carcasse de l’hélicoptère a été retrouvée « en bordure de colline », selon Renaud Muselier, président du conseil régional. « C’est juste dans l’axe de l’aéroport. Manifestement, il a tapé sur le haut de la colline. Il a rebondi et il s’est posé sur le plat de la colline.. L’hélicoptère est en boule. Ce que l’on ne comprend pas très bien, c’est qu’il n’est pas tout à fait dans l’axe de sa route. Comme il y avait un énorme brouillard, il a dû vouloir reprendre la ligne littorale, et en tapant la ligne littorale, il a tapé la colline. »
Les secouristes ont décollé dans des conditions particulièrement difficiles, « en prenant des risques » selon le ministre, comme lors de « ses vols de nuit particulièrement délicats ». « La météo était très mauvaise, confirme la maire des Pennes-Mirabeau, Monique Slissa. Le temps était brumeux, lié à la forte pluie. La météo a sûrement joué un rôle, le brouillard a laissé place à une mauvaise visibilité. »
Les secouristes étaient de plus mobilisés depuis déjà plusieurs heures dans des opérations délicates. « L’enquête est toujours en cours, mais on ne peut pas dire que ce soit lié à la fatigue, affirme Bernard Schifano, président de l’union départemental des sapeurs-pompiers des Bouches-du-Rhône. Ils ont décollé à partir de 14 heures, puis sont rentrés avant de repartir vers 20 heures. Ça ne fait même pas cinq heures de travail. De toute façon, ce sont des personnes habituées à faire des missions longues. Ils sont aguerris, c’est leur métier. »
Et même si cela signifie porter secours à des personnes à des moments où le moindre déplacement présente un risque pour les secours. « Quand il y a une vie à sauver, on part, on le fait, explique Eric Brocardi, porte-parole de la fédération nationale des sapeurs-pompiers de France. C’est ce qui anime les sapeurs-pompiers, qu’importent les risques. Le week-end dernier, il y a eu dans les Alpes-Maritimes 800 pompiers mobilisés, et tout s’est bien passé. » Pas moins de 1.380 pompiers et six hélicoptères de la Sécurité civile et de la gendarmerie ont été mobilisés ce week-end pour faire face aux intempéries dans le sud de la France.