Marseille: « Nous ne passerons pas l’été dans un quartier aussi délabré ! » Dans les gravats de chantier, le cri de colère de la cité de la Busserine
QUARTIERS NORD•L’accès au centre social du quartier est semé d’embûches pour les enfants, les familles dénoncent un sentiment d’abandonCaroline Delabroy
L'essentiel
- Le groupe de veille de la cité Busserine, dans les quartiers nord de Marseille, tire de nouveau la sonnette d’alarme.
- Entre le chantier de la rénovation urbaine et celui de la rocade L2, les habitants n’en finissent pas de subir les nuisances. Le chemin vers le centre social est notamment semé d’embûches.
- Pour beaucoup, ce quotidien est ressenti comme une violence, au même titre que les règlements de compte.
Ils dénoncent un « chantier perpétuel, à l’impact considérable pour la santé ». Le groupe de veille de la cité de la Busserine, dans les quartiers nord de Marseille, avait donné rendez aux riverains et médias vendredi devant le « Va-et-vient ». Le snack n’a peut-être jamais aussi bien porté son nom, alors que les camions s’activent en surplomb sur le chantier de la couverture de la L2, dans un paysage de poussière et de gravats. Difficile d’imaginer la « plaine des loisirs » qui doit à terme prendre place ici. « Les familles doivent circuler à travers une décharge à ciel ouvert, dénonce Yamina Mayoub, présidente de l’association des locataires. Nous ne passerons pas l’été dans un quartier aussi délabré ! Les déchets de chantier s’entassent et rendent dangereux l’accès à l’Agora. »
« On est négligés ! »
Dès lundi, vacances scolaires oblige, des grappes d’enfants vont emprunter le chemin pour se rendre au centre social. Au risque de se blesser, surtout avec les chaussures ouvertes. « Vous allez voir, c’est un parcours du combattant », lance Nadia à Samia Ghali, sénatrice des Bouches-du-Rhône, qui a répondu à l’invitation du collectif et qui, tout en prenant des photos, se dit « sidérée » de la situation. « On demande que les services habilités à nettoyer tout ça fassent leur boulot, on est négligés », poursuit une habitante, au bord des nerfs. « On n’est pas contre la rénovation, mais cela fait des années qu’on est pris en sandwich entre des chantiers de partout, je ne suis pas certaine que ça se passerait comme ça dans d’autres quartiers », abonde une voisine.
Une réunion devait se tenir mi-juin en préfecture. Son annulation a été la goutte d’eau, qui a poussé le groupe de veille à se mobiliser, de nouveau. « La ville, la métropole, la L2, l’ANRU, ils se renvoient tous la balle, se désole Nadia. En pleine canicule, ils ont quand même réussi à nous couper l’eau toute la journée. Et tous les jours, je dois nettoyer la poussière qui rentre chez moi. Ils pourraient au moins arroser pour que ça s’envole moins ». « On a presque banalisé l’état de délaissement, c’est une honte, dénonce Anne-Marie Tagawa, militante historique du quartier. Ce qu’on demande, c’est une vaste opération de nettoyage des encombrants, des seringues, des détritus, et pas juste une fois, il faut que ce soit régulier. »
Un peu plus loin, vers la gare de Picon-Busserine, une carcasse de voiture et une autre de camion sont posés là. Céline Burgos, une habitante et membre du groupe de veille, s’en étonne à peine quand on lui fait remarquer. « Elle a été déplacée là, elle gênait le chantier ». Puis : « Vous savez, on est beaucoup stigmatisé pour les assassinats dans la cité, mais cette violence c’est celle qu’on subit le moins par rapport à celles qu’on subit tous les jours, dans notre quotidien. Les décisions sont sans cesse différées, comme si nos difficultés étaient secondaires ». En écho, Yazid acquiesce pour son père de 83 ans, « qui se prend depuis deux ans de la poussière, alors qu’il vit avec une aide respiratoire ».