ANIMALA Marseille, le combat quotidien pour stériliser les chats errants

Marseille: Stériliser les chats errants? Un combat au quotidien pour les mères nourricières

ANIMALEn 2018, 1.200 chats ont été stérilisés. Derrière ce chiffre, la réalité est plus complexe
Caroline Delabroy

Caroline Delabroy

L'essentiel

  • Difficile à évaluer, la population des chats errants à Marseille est estimée par la mairie à « plusieurs milliers ».
  • La dernière campagne de stérilisation a permis d’opérer près de 1.200 chats. Un chiffre insuffisant selon la SPA.
  • Le repérage des chats repose sur un réseau de 200 « mères nourricières », dont certaines préfèrent passer par un vétérinaire que par le service gratuit de stérilisation proposé par la ville.

Une fois par semaine, elle embarque 20 kg de croquettes, plusieurs litres d’eau, et entame sa tournée à Marseille. Avant même qu’elle ne pose pied à terre, les chats reconnaissent la voiture d’Irène. Cette « mère nourricière », comme on appelle ces femmes et ces hommes qui prennent soin des chats des rues, officie depuis une trentaine d’années derrière le marché aux puces, à Félix Pyat ou encore vers la cité Consolat. Au total, elle nourrit ainsi près de 30 chats. « Chacun fait son quartier, on se connaît et se contacte quand il y a un problème », résume-t-elle.

« Il peut y avoir un risque sanitaire »

La ville de Marseille s’appuie sur ces 200 mères nourricières pour réguler la population des chats des rues, qui se compte à « plusieurs milliers », selon le conseiller municipal Guillaume Jouve, en charge de la délégation de l’Animal en ville. Les campagnes de stérilisation reposent en effet sur leurs épaules. Et ce réseau capable de repérer, capturer et emmener les chats se faire opérer. A écouter Irène, c’est là que le bât blesse.

« Il faut appeler Allô Mairie, prendre rendez-vous sur des créneaux restreints, porter les cages, vous imaginez pour des mamies, s’emporte-t-elle. Ce n’est pas à nous de faire tout le boulot, tout le temps. Ce qu’on veut, c’est de l’organisation, un dispensaire ou un service que l’on pourrait appeler et qui se déplacerait, un peu comme des pompiers. » Comme d’autres mères nourricières, Irène préfère souvent dépenser 80 euros chez le vétérinaire que profiter de ce service gratuit.

Ces critiques, l’élu les connaît sur le bout des doigts. « Les chats ne sont pas toujours faciles à capturer à l’heure dite, reconnaît-il. Mais recourir à des trappeurs professionnels aurait un autre coût. » « La ville, depuis 16 ans, mène des campagnes de stérilisation, alors qu’elle n’a aucune obligation légale de le faire, contrairement au service de fourrière municipale, rappelle aussi Guillaume Jouve. Nous le faisons dans un souci de protection animale et de prévention. Une surpopulation, ce sont des chats souvent souffrants, et il peut y avoir un risque sanitaire. »

Un budget « passé de 320.000 euros à 90.000 euros »

En 2018, 1.200 chats des rues (ou chats sauvages, chats errants, chats libres, selon leurs différentes appellations) ont ainsi été stérilisés sous la houlette de la Fondation Clara, qui a remporté le dernier marché public. Et pour cause, elle était seule candidate, la SPA Marseille Provence ayant décidé de ne pas y répondre au vu du budget, « passé de 320.000 euros à 90.000 euros », comme l’explique son président Xavier Bonnard. « A Marseille, on avait l’habitude de stériliser 3.000 à 5000 chats par an, poursuit-il. A ce tarif-là, impossible de mener à bien notre mission ».

Alexandre Calvini, responsable régional de la Fondation Clara ne dit pas vraiment autre chose. « La somme allouée au marché ne correspond pas à la réalité, mais on savait très bien où on mettait les pieds, assume-t-il. C’est un marché où on fait du bien aux animaux qui coûte de l’argent, après on ne pensait pas en perdre autant. » « Ce n’est peut-être un budget suffisant, mais cela reste assez important », relativise le conseiller municipal Guillaume Jouve.

Sans doute pas de quoi apaiser Irène, qui rêve de « cabanes pour chats», comme à Istanbul. « Les chats viendraient là, on pourrait faire propre » dit-elle. Pour l’organisation générale du système, il faudra à tout le moins attendre le prochain marché public sur le sujet à Marseille. Rendez-vous en 2020.