«Système communiste», ISF et «cheveux gris»... On vous raconte le grand débat à Neuilly-sur-Seine
REPORTAGE•La ville des Hauts-de-Seine organisait une soirée du grand débat, lundiThibaut Le Gal
L'essentiel
- Un débat était organisé ce lundi soir au théâtre de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), dans le cadre du grand débat national.
- Au menu des discussions : la transition écologique, la fiscalité et les dépenses publique et la démocratie et la citoyenneté.
- 20 Minutes a assisté au débat organisé dans une des villes les plus riches de France et qui a mobilisé des retraités en majorité.
A notre arrivée au théâtre de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), on tente de se fondre dans la masse. Il est presque 19 h, les administrés se pressent pour assister au grand débat national organisé ce lundi par l’une des villes les plus riches de France. A peine assis, déjà repéré. « Vous êtes journaliste ? Je vous ai reconnu car vous êtes jeune et vous avez un sac à dos », glisse l’une des membres du cabinet du maire.
Dans la salle, en effet, que des cheveux blancs ou presque. « C’est dommage que les jeunes ménages soient si peu représentés ce soir. Ce sont toujours les mêmes visages… », souffle Marie-Christine, notre voisine.
« On est un peu loin des questions écologiques »
Sur scène, le maire, Jean-Christophe Fromantin, prévient : « Ce n’est pas à moi qu’il faudra poser des questions, je ne suis qu’un intermédiaire. » L’ancien député UDI des Hauts-de-Seine insiste, sérieux : « Deux minutes par personne. Le premier thème est la transition écologique. Qui veut prendre la parole ? » Silence.
Les lumières inondent la salle à la recherche d’un téméraire. Une dame prend le micro : « On perd de plus en plus d’espèces chaque année. Dire ça, ce n’est pas seulement aimer les petites fleurs et les oiseaux, mais la biodiversité est une composante de notre monde », lance-t-elle, dénonçant l’artificialisation des sols et l’utilisation des pesticides.
Les langues se délient, les propositions affluent : « inscription des principes écologiques dans la Constitution », « journée de solidarité contre le réchauffement climatique », etc. Un homme interpelle le maire : « Si vous pouviez appeler la place X, "place des grands hommes", car il y a eu beaucoup de grands hommes à Neuilly ». L’élu balaie, en souriant : « Je crois qu’on est un peu loin des questions écologiques. »
Un trentenaire en costume est ensuite conspué : il ose évoquer les éoliennes. « Mais je ne parle pas d’énormes éoliennes… », répète-t-il, en vain. Son successeur évoque le sort des hôpitaux, déclenchant la colère de rangs entiers : « C’est hors sujet ! HORS SUJET ! Si c’est pour dire de telles banalités en plus. »
Le maire reprend la main en lançant la deuxième thématique : la fiscalité et les dépenses publiques.
« Tous les Français devraient payer l’impôt sur le revenu, même ceux au RSA »
Le premier orateur mange le micro. D’étranges « scroach scroach » sortent des enceintes. « Bon, voilà… je crois qu’on… on a compris, merci », enchaîne un peu gêné Jean-Christophe Fromantin.
La demande d’équité devant l’impôt revient souvent dans les propos. Mais de manière un peu différente de celle formulée par le mouvement des « gilets jaunes ». « Tous les Français devraient payer l’impôt sur le revenu (ISR), même ceux au RSA. Car tout le monde profite des routes, non ? » La salle exulte. « Près de 60 % des ménages ne payent pas l’ISR, c’est un chiffre assez surprenant en effet », poursuit le maire. Un autre dénonce : « Des patrons de TPE me disent que certains employés ne veulent pas être augmentés car ça leur supprime des aides sociales ».
Une femme nuance : « N’oublions pas que la TVA est payée par tout le monde, les plus pauvres en payent une part non négligeable. Il faudrait moduler le taux sur certains produits de première nécessité ».
Un peu plus loin, un Neuilléen propose un impôt sur la citoyenneté, comme aux Etats-Unis. « Ça éviterait que les retraités se barrent au Portugal, ou que les grandes fortunes aillent en Suisse ». Réplique d’un voisin : « Avant d’aller chercher l’argent dans d’autres pays, je pense qu’il faudrait d’abord penser à aller en chercher moins », dit-il fièrement, avant de dénoncer comme d’autres les dépenses publiques. « J’ai l’impression que le Français n’a pas réellement conscience des déficits de l’Etat », siffle l’un d’eux.
La suppression de l’ISF évoquée
Un courageux tente de soulever un point polémique, en prenant toutes les précautions possibles : « Je ne vais pas être populaire ici en le disant, mais je pense qu’il faut rétablir l’ISF… de manière intelligente… » Silence de mort.
Les prises de parole se poursuivent : « On a fait rentrer l’ensemble des retraites dans les dépenses sociales, ce n’est même plus du socialisme, on est au-delà du système communiste », s’agace un vieil homme. Un participant évoque pour la première fois de la soirée les mobilisations des «gilets jaunes». « Sur les ronds-points, on voit énormément de retraités. Mais qui a mis la France dans cet état économique et écologique ? C’est notre génération d’après-guerre, qui a vécu largement au-dessus de ses moyens ».
L’horloge tourne, déjà deux heures de débat. Le dernier sujet « démocratie et citoyenneté » est rapidement évoqué. L’une des dernières intervenantes résume la soirée à sa manière : « Le débat est de très grande qualité, je n’ai qu’un regret, c’est qu’il y ait autant de cheveux gris dans la salle », et désignant sa propre chevelure, reconnaît : J’en ai d’ailleurs moi-même quelques-uns. »