Marseille: La transformation d'une villa et d'un parc publics en hôtel de luxe suscite un tollé
PATRIMOINE•La ville de Marseille a voté une délibération qui attribue un bail de 60 ans à un promoteur pour transformer la villa Valmer en hôtel de luxe…Adrien Max
L'essentiel
- Le conseil municipal de Marseille a voté une délibération afin d’attribuer un bail emphytéotique de 60 ans à un promoteur pour transformer la villa Valmer en hôtel de luxe, contre un loyer de 300.000 euros par mois et une part variable.
- Élus d’opposition, écologiste, riverains, hôteliers, tous regrettent de ne pas avoir été consultés.
Un bien public depuis 40 ans bientôt privatisé jusqu’en… 2078. Le conseil municipal de Marseille a voté lundi une délibération visant à attribuer la villa Valmer, construite en 1865, au promoteur Pierre Mozziconacci en partenariat avec le cabinet d' architecture 331 Corniche, afin de la transformer en hotel-restaurant de luxe. Le promoteur devrait obtenir un bail emphytéotique de 60 ans, contre un investissement de 15 millions d’euros, puis un loyer de 300.000 euros, ainsi qu’une part variable sur les bénéfices.
Selon Dominique Vlasto, adjointe au tourisme à la mairie de Marseille, la cession de la villa Valmer était devenue inévitable : « Il y a d’énormes trous au premier étage, le bâtiment est dans un état de décrépitude avancée et la mairie n’a pas les moyens de l’entretenir. Il s’agit de sauver le patrimoine. »
Absence de concertation
Sauvegarder le patrimoine et en profiter pour développer le tourisme, un argument souvent avancé par la mairie de Marseille. « Nous avons besoin d’augmenter le nombre de chambres d’hôtels, et particulièrement de luxe pour faire rayonner la ville. Ces hôteliers n’hésitent pas à débourser deux millions d’euros pour la promotion de leur établissement et donc indirectement de Marseille », avance l’élue.
Mais derrière ces arguments, élus d’opposition, écologistes, habitants et même hôteliers s’insurgent du manque de concertation. Hervé Menchon, conseiller d’arrondissement EELV le regrette. « Cette majorité a été élue avec une forte abstention, nous nous attendions à de la concertation, il n’en est rien. Pas plus que de la transparence, aucun document du projet ne figure en annexe de la délibération. »
Les riverains inquiets
Jean-Claude Rostain, président de la fédération des CIQ du 7e arrondissement avoue ne pas avoir été consulté, du tout. « Nous avons appris la nouvelle dans La Provence mais ni la mairie, ni la mairie de secteur nous en a informés. Les riverains sont inquiets de ne plus pouvoir accéder au parc, et surtout des problèmes d’accès et de parking. Ils ne voient aucun aspect positif dans ce projet », affirme-t-il.
La mairie a garanti que seul 10 % du parc, dont le bâtiment, sera privatisé. Mais selon Hervé Menchon il s’agirait plutôt de 7.000 m2 sur 17.000, comme cela est indiqué sur la délibération. « Les mariés pourront toujours venir profiter du parc pour faire des photos, le jardin d’enfants ne bougera pas et il n’y aura pas d’accès privatif à la mer », a néanmoins promis Dominique Vlasto. Un argument qui ne convainc pas Jean-Claude Rostain : « Une fois que le privé se sera approprié le bâtiment, il sera difficile de lui interdire de faire ce qu’il veut dans le parc. Sans parler de la nécessité de créer un parking, qui ne peut être que dans le parc. »
« On se retrouvera tous pour le cocktail d’inauguration »
Même son de cloche du côté de l’UMIH 13, le syndicat des hôteliers qui ne semble pas favorable à l’ouverture de cet hôtel, et balaye l’argument de l’attractivité. « La mairie ne prend pas en compte les ouvertures déjà programmées et il y en a beaucoup. Nous nous réjouissions de l’arrivée de l’Intercontinental à l’hôtel-Dieu mais ils avaient leur propre clientèle, là ce n’est pas le cas. Il ne suffit pas de construire des hôtels, il faut ajouter d’autres ingrédients comme une marina, un casino. Mais ce que nous regrettons le plus c’est l’absence de concertation avec la mairie sur ces projets », explique Nicolas Guyot, vice-président de l’UMIH 13.
aDe son côté, Dominique Vlasto explique qu’aucune concertation n’était obligatoire. Et refuse l’argument de l’installation d’une villa Médicis, souhaitée par Benoit Payan, chef de l’opposition socialiste à la mairie : « Jack Lang a préféré la donner à Seyssins (Isère), dont le maire Didier Migaud est devenu président de la Cour des comptes. » Fin de non-recevoir donc. Pour elle, cette opposition relève du jeu politique plus que d’une réelle défiance au projet. « On se retrouvera tous pour le cocktail d’inauguration et tout le monde sera ravi », conclut-elle.