Marseille: Au Frioul, la dernière cabine téléphonique fait de la résistance
INSOLITE•A la fois abri contre la pluie, panneau d’affichage et témoin du siècle passé, la dernière cabine téléphonique de Marseille est sur le point de disparaître…Mathilde Ceilles
L'essentiel
- La cabine téléphonique du Frioul est la dernière de Marseille.
- Elle pourrait disparaître.
- Certains habitants demandent à ce qu'elle soit conservée.
Cela fait des dizaines et des dizaines d’années qu’elle trône là, sur la place aux Fleurs. Eric s’en souvient, au siècle dernier, il l’utilisait de temps en temps quand il n’habitait pas encore l’île. « Je prévenais ma famille que cette fois, j’allais rentrer un peu tard. Il fallait mettre des pièces… C’est le témoin d’un temps qui commence à être révolu », souffle-t-il.
Sur le petit archipel du Frioul, un bout de terre intégré au septième arrondissement de Marseille habité à l’année par environ 150 personnes, la cabine téléphonique près de la gare maritime se retrouve être la dernière de la deuxième ville de France.
aIl n’y a pas si longtemps, il y en avait même une autre sur ce coin de Marseille uniquement accessible par bateau. Une tempête a eu toutefois raison de cette petite sœur de la vieille dame filaire de la place aux Fleurs. « Un jour, y’avait un de ces mistrals ! Et puis boum ! Plus rien, ça a explosé » se souvient Roger, 75 ans, dont vingt à habiter l’île.
Hors service
Mais cette cabine-là, sous ses airs banals, avec son logo France Telecom qui s’efface peu à peu, a résisté aux vents, à l’explosion des smartphones, et, pour le moment, à la loi Macron. Amendée par le Sénat en avril 2015, cette loi a supprimé l’obligation de service universel téléphonique imposée à l’opérateur, à savoir le maintien de 46.000 cabines sur le territoire. La seule condition de cette suppression : que les communes aient accès aux réseaux mobiles 2G à la fin 2016 ou 3G à la fin 2017. Conséquence : les cabines téléphoniques devaient disparaître au plus tard le 31 décembre 2017, selon Le Parisien.
Or, en ce début 2018, la cabine du Frioul est toujours vivante, toujours debout, comme dirait Renaud. Mais ses jours sont en danger. Depuis peu, l’écran au-dessus du combiné affiche "hors service", et vous invite à raccrocher quand vous tentez, en vain, de composer un numéro. Contactée, Orange confirme que les cabines toujours sur pied en France sont amenées à « faire l’objet d’un enlèvement », sans qu’il n’y ait encore une date de fin précisément fixée.
Un abri et un panneau d’affichage
« Cette cabine, elle sert quand il pleut, pour les gens qui attendent la navette pour Marseille, explique Tony, commerçant sur l’île et habitant depuis 20 ans. Il devrait la laisser, comme on est isolé. Que va faire un bateau en perdition ici, un jour de tempête, une nuit ? La capitainerie est fermée, les commerces aussi… Il pourrait au moins appeler à l’aide ! »
« C’est dommage s’ils l’enlèvent, abonde Jean-Frédéric, un quinquagénaire qui habite l’île depuis quelques années. C’est un symbole, un souvenir. Pourquoi ne pas l’entretenir et mettre une petite plaque, comme un monument ? » « Ça sert aussi de panneau d’affichage, genre "bateau à vendre », précise Eric.
Une curiosité touristique
Christian Devuyst, président de l'association Frioul Terre des Artistes, a même intégré cette cabine dans son circuit de visite de l’île à destination des touristes. « C’est devenu une curiosité », s’amuse-t-il. Son association a demandé à la mairie de secteur d’éviter la case « destruction » pour la cabine. « C’est vrai que c’est rigolo, c’est un élément beaucoup photographié », note Christian Couton, conseiller d’arrondissement délégué au Frioul.
Et d’assurer : « J’ai vu avec le CIQ du Frioul, et il est vrai que l’ensemble des habitants ont une volonté d’essayer de la conserver. Le CIQ s’est engagé à l’entretenir et à la nettoyer. De mon côté, je vais voir comment faire pour qu’elle reste là-haut. » Pour rappel, Orange peut décider de donner à une personne morale une cabine après présentation et étude d’un projet qui, pour la cabine du Frioul, n’a pas été encore soumis à la société de télécoms.