VIDEO. Bientôt un Chinatown à Marseille? La ville veut son quartier chinois à Belsunce
REPORTAGE•La maire des Ier et VIIe arrondissements, Sabine Bernasconi, souhaite créer un Chinatown pour redynamiser le quartier de Belsunce…Adrien Max
L'essentiel
- Avec l’ouverture d’un nouveau centre spécialisé dans le commerce de gros dans le XVe arrondissement de Marseille, la maire des Ier et VIIe craint le départ des commerçants du centre-ville.
- Beaucoup s’étonnent d’un Chinatown dans ce quartier multiculturel.
La nouvelle a de quoi surprendre : un Chinatown à Marseille. Lors de la présentation de ses vœux, Sabine Bernasconi, la maire des Ier et VIIe arrondissements a annoncé sa volonté d’établir un Chinatown dans le quartier populaire de Belsunce, en plein cœur du Ier arrondissement, rendu connu par la musique de Bouga et réputé pour ses commerces de gros. Mais un complexe consacré spécifiquement à ce type de commerce, le MIF 68, ouvrira le mois prochain dans le XVe arrondissement.
« Il y a un risque à court ou moyen terme que les commerces se vident. Il y a une demande de la part des commerçants déjà installés de diversifier leurs activités. En réfléchissant à la création d’un Chinatown avec les commerçants et le consulat on souhaite développer de nouvelles activités et aller plus loin », explique Sabine Bernasconi.
« Ils ont tué les commerçants qui étaient là »
Aller plus loin serait par exemple l’installation de bazars, d’ongleries, de restaurants, mais aussi d’une maison culturelle de Chine, ou « l’installation de plantes chinoises au milieu de la végétation méditerranéenne », selon l’édile.
Une annonce qui peut paraître étrange dans ce quartier multiculturel, mais qui a vu arriver en masse la communauté chinoise autour de la rue du Tapis-Vert, où se concentrent la majorité des commerces de gros. « Depuis 2008 environ, ils ont comblé les petits trous et au fur et à mesure ont pris de l’importance. Le problème c’est qu’avec leurs prix dérisoires ils ont tué les commerçants qui étaient là », précise Albert, qui avoue ne plus s’en sortir depuis l’arrivée de ces commerçants chinois.
Si l’argument avancé par la mairie est la crainte d’un départ vers le nouveau centre de textile de la part des commerçants chinois, rien n’est moins sûr. « Nos clients sont habitués à venir dans le centre-ville, et les quartiers Nord, c’est trop dangereux. Le seul point positif, c’est le parking, mais nous resterons ici », prévient un commerçant chinois. Un autre a prévu de jouer sur les deux tableaux. « Oui, nous allons installer un commerce là-bas, mais nous continuerons à faire du commerce de gros ici aussi en attendant de voir si ça marche. »
« Ça permettrait de garder les clients »
Quant à la création d’un Chinatown, cette commerçante chinoise est tout à fait pour : « Il y a déjà des commerces chinois, des restaurants, une école chinoise, ainsi qu’une association chinoise. » Une de ses compatriotes abonde en ce sens : « C’est une très bonne volonté, ça permettrait de garder les clients. »
Les commerçants historiques du quartier ne partagent pas le même avis. « Ils n’ont rien redynamisé du tout, bien au contraire. Ils ne savent pas tenir des commerces de détails, que du gros avec de la marchandise chinoise. Personne ne comprend leur façon de travailler », tranche un commerçant établi depuis 45 ans dans cette rue où près d’un commerce sur deux est chinois.
« Rien pour nous les Français »
« Il y a quinze ans, il y avait des vrais commerçants, avec des produits de fabrication française. C’est devenu n’importe quoi, on ne sait même pas comment ils font pour s’en sortir. On ne veut pas de commerces de détail, on veut simplement continuer de faire du commerce de gros », demande Prosper Chatrit. Sabine Bernasconi considère la cohabitation comme tout à fait possible, « Marseille est une ville cosmopolite », avance-t-elle.
« Les pouvoirs publics n’ont jamais créé de quartier, ça ne s’invente pas. Ils ont créé le MIF 68 pour les Chinois, ils veulent faire un Chinatown pour les Chinois, mais rien pour nous les Français », peste un commerçant situé un peu plus haut dans la rue.
Chez les habitants la nouvelle fait, la plupart du temps, sourire. « Personne ne peut forcer telle ou telle communauté à s’installer ou à partir », considère Ibrahim. Si personne n’a rien contre les Chinois, la cohabitation pourrait néanmoins se révéler parfois compliquée : « Ils se garent n’importe comment et quand on leur demande de se pousser pour qu’on passe ils ne comprennent rien », racontent deux amis.