Fact-checking: Non, les incendies dans le Sud-Est ne sont pas des «actes terroristes dissimulés»
VERIFICATION•La rumeur court, alors qu’aucun des départs de feu de cet été n’a été revendiqué par l’organisation de l'Etat islamique. Et qu’aucune enquête n’a été ouverte par le parquet antiterroriste…Jean Saint-Marc
L'essentiel
- 16.000 hectares ont brûlé dans tout l’arc méditerranéen, depuis le début de l’année 2017. C’est le pire bilan depuis 2003.
- Aucun fait tangible ne permet d’étayer la rumeur qui affirme que certains incendies de cet été ont été allumés par des djihadistes.
La rumeur resurgit, à chaque feu de forêt. Elle prend ses racines sur des sites plus ou moins complotistes (et plus ou moins d’extrême droite), s’épanouit dans les commentaires Facebook. « C’est une forme de terrorisme », « ça flambe partout, c’est louche » : voilà ce qu’on pouvait lire, par exemple, dans les commentaires d’une publication Facebook de 20 Minutes, en juillet. Pourtant, aucun fait tangible ne vient étayer cette rumeur.
Plusieurs incendiaires présumés ont été interpellés cet été, dans le Sud-Est notamment, mais aussi dans l’Ain, par exemple. De nombreuses enquêtes ont été ouvertes, sous la direction des procureurs locaux. « Aucune enquête pour incendie n’a été confiée à la section antiterroriste », nous confirme un porte-parole du parquet de Paris. « Si on avait eu la moindre suspicion, bien sûr qu’on aurait regardé. On n’a eu aucun élément en ce sens », insiste cette même source. Il s’agit, pour la justice, d’affaires de droit commun.
Aucune revendication
Aucun incendie en France n’a d’ailleurs été revendiqué par l’organisation de l’Etat islamique. « Il n’y a eu aucune revendication par les voies habituelles, par une dépêche de l’agence de presse Amaq ou un communiqué, par exemple », rappelle le chercheur Romain Caillet. Ce qui lui permet de conclure qu’il s’agit bien d’élucubrations complotistes :
« Le principe même d’un attentat, c’est d’être revendiqué. Il y a certes eu des attaques non revendiquées de l’Etat islamique en Turquie, mais c’était dans un contexte très différent, le gouvernement savait que c’était l’Etat islamique. On n’est pas du tout dans cette logique en Occident : le but, c’est justement de prouver que l’Etat islamique peut frapper partout. Si ce n’est pas porté à l’attention du public, ça ne fonctionne pas. »
L’origine de cette rumeur se trouve, entre autres, dans le numéro 5 de la revue Rumiyah, journal de propagande de Daesh. Des flammes sont à la une de l’édition de janvier, qui affirme « qu’avec des produits [par exemple inflammables] simples et faciles d’accès, on peut terroriser une nation entière ». Ledit article précise d’ailleurs comment revendiquer l’attaque, « avec un marqueur ou en écrivant un message simple sur un bout de papier ». Ce qui, donc, n’a été fait dans aucun des incendies de cet été 2017.
Crachats et pierres
Cette idée du djihad « par tous les moyens » est récurrente dans la littérature islamiste. « Après les premiers bombardements, le porte-parole de l’Etat islamique avait dit aux sympathisants en Europe : “Si vous ne savez pas fabriquer d’explosif, utilisez une arme, si vous n’avez pas d’arme, utilisez votre voiture, ou brûlez leurs magasins, leurs maisons, ou jetez-leur des pierres !”. Il disait même “crachez-leur au visage”, rapporte Romain Caillet. Est-ce qu’à chaque fois que quelqu’un crache on va dire que c’est un attentat ? » Certains le diront sans doute...
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