VIDEO. CrossFit et technique de la carpe... Les secrets d'entraînement de l'apnéiste Morgan Bourc'his
APNEE•« 20 Minutes » a pu assister à un entraînement de l’apnéiste marseillais Morgan Bourc’his, qui prépare les championnats du monde…Jean Saint-Marc
L'essentiel
- Double champion du monde, détenteur d’une dizaine de records européens et nationaux, Morgan Bourc’his prépare les championnats du monde, qui auront lieu fin août aux Bahamas
- Pour ses (probables) derniers championnats, il rêve d’accrocher un nouveau podium dans sa spécialité, le poids constant sans palme, où il descend à près de 100 mètres en brasse
Entre midi et deux, au Cercle des nageurs de Marseille, c’est l’heure de l’aquagym. Trois mamies baladent leurs peignoirs et leurs facondes autour du bassin. « Le prof n’est pas là ? » Non, ce jeudi midi, il ne viendra pas. Et la ligne d’eau numéro 8 est squattée par un drôle de poisson, qui enchaîne les longueurs… au fond de l’eau. « Il cherche quoi, il pêche ? » chambre une dame qui protège ses cheveux teints sous une charlotte en plastique. Morgan Bourc’his pêche les records et les titres mondiaux, c’est tout. Et comme il est sympa, il leur laissera la moitié de la ligne d’eau pour faire leurs mouvements. « De toute façon, s’il nous gêne, on le noie au fond », reprend une autre, à peine dragueuse.
Pendant une heure, Morgan Bourc’his enchaîne les 100 mètres en apnée. Il lui faut moins de deux minutes pour faire l’aller-retour, avec au début une petite préparation qui étonne les néophytes et autres amateurs (trices) d’aquagym : après une grande inspiration, l’apnéiste prend une vingtaine de petites « bouffées » d’air. « C’est la technique de la carpe, on tasse l’air », explique Bourc’his, qui ajoute ainsi environ un litre d’air dans ses poumons.
Le champion se relaie avec son partenaire d’entraînement Florent, qui n’était pourtant « pas venu ici pour souffrir, OK. » « J’aurais mieux fait de rester au boulot, rigolera-t-il à la fin de la séance ! Je pensais juste faire la sécurité et il m’a fait faire une sacrée séance… C’est comme le sparring partner en boxe, c’est lui qui morfle ! » Un sparring partner vigilant, présent pour vérifier que tout se passe bien sur chaque aller-retour.
Contrairement à son partenaire d’entraînement, Morgan Bourc’his est professionnel. Un des rares en France. « On se compte sur les doigts d’une main », sourit-il. Pour vivre de son sport, il organise des stages d’apnée et donne des conférences d’entreprise. « Je suis chef d’entreprise », précise le solide (et musclé) trentenaire, bientôt quadra. Un autodidacte de l’apnée, qu’il a découvert un peu par hasard, au détour d’un mémoire, alors qu’il était en STAPS à la fac.
Un autodidacte qui, aujourd’hui encore, est le seul maître à bord : « Je peux travailler parfois avec un professionnel, par exemple pour mieux maîtriser la nage avec palme, mais je n’ai ni entraîneur, ni préparateur physique ! Je fais mon programme tout seul. » Un programme qu’il a fini par dessiner à force de tâtonnements, et, forcément d’erreurs. Récapitulatif :
- Des séances en piscine pour travailler sur l’effort physique en situation d’apnée. « La séance de ce jeudi, c’est un maintien de capacité, parce qu’on est en période de compétitions. Je ne me mets pas dedans à l’entraînement comme en début de saison ! »
- Des plongées en mer pour reproduire les conditions de la compétition, lors desquelles Morgan Bourc’his plonge jusqu’à 90 mètres en poids constant sans palmes, jusqu’à 104 mètres en immersion libre (en se hissant le long du filin). « On s’entraîne beaucoup sur les îles Riou, c’est là où il y a le plus de profondeur et où c’est le plus joli sous l’eau… J’aime aussi le côté explorateur ! »
- De la musculation et du… CrossFit (oui oui). « En période de préparation, je peux monter jusqu’à une dizaine de sollicitations musculaires par semaine. Je fais des exercices spécifiques d’assouplissement de la cage thoracique, des mouvements qui se rapprochent du CrossFit aussi. On a découvert que les répercussions du CrossFit sur le corps étaient utiles car ça crée beaucoup d’acides lactiques. Comme l’effort sans oxygène ! »
- Mais plus de course à pied ou de trail. « Avant je travaillais énormément mon physique, j’étais obnubilé par ça. Je ne voulais pas arriver en bas et me dire "je vais être trop court pour remonter". Donc je faisais du trail, de la course. Mais en fait tu habitues ton corps à faire des efforts en consommation d’oxygène… Et l’apnée c’est au contraire faire des efforts sans en consommer ! »
Il sera tout de même content, en septembre, de « remettre les baskets pour aller courir dans les calanques ». Son principal objectif sera derrière lui : les championnats du monde, au Honduras, du 22 août au 3 septembre. « Ce sont sans doute mes derniers Mondiaux, lâche le double champion du monde, multiple recordman de France. J’aimerais bien revenir sur le podium dans ma discipline phare ! » Le poids constant sans palme, l’épreuve où l’on descend (et l’on remonte) en brasse, à la seule force de ses bras. Celle des puristes, quoi…