Handball: Avant son dernier match, retour sur la carrière de Jérôme Fernandez, «au-delà de toute espérance»
HANDBALL•C'est l'heure de la retraite pour Jérôme Fernandez, 1.463 buts en équipe de France, quatre titres de champions du monde, deux médailles d'or olympiques, deux Ligues des champions...Jean Saint-Marc
L'essentiel
- A 40 ans, l'entraîneur-joueur du Pays d'Aix Université Handball (PAUC) va fouler pour la dernière fois un parquet pro ce jeudi soir, à Dunkerque
- Il va ensuite se concentrer sur son rôle d'entraîneur
- Retour sur une carrière exceptionnelle avec l'ancien capitaine de l'équipe de France et plusieurs de ses proches
«Mais Monsieur, vous êtes pro ? » Une douzaine de collégiens assistent à l’antépénultième entraînement (de joueur) de Jérôme Fernandez. L’ancien capitaine de l’équipe de France de handball se prête en riant au jeu des questions-réponses : « Je suis pro mais je prends ma retraite ! » Le gamin s’étonne : « Déjà ??? »
40 ans, c’est pourtant déjà pas mal, surtout après une telle carrière. Petit bilan avec l’intéressé et quelques proches, tous très bavards quand il faut évoquer un des plus beaux palmarès du hand (et du sport) français.
Son plus beau but
Jérôme Fernandez : « Le plus important, c’est le penalty en finale du championnat du monde, contre le Danemark, en 2011. J’étais tireur remplaçant, mais comme les tireurs étaient en échec sur ce match, j’ai pris mes responsabilités de capitaine. J’avais 34 ans, j’étais serein. Le record de buts (1463 !), par contre, c’est devenu complètement anecdotique. Ça s’explique par ma longévité ! J’ai un moins bon ratio par match que d’autres, mais comme j’ai joué pendant 18 ans… »
aQuand il a tapé dans l’œil du sélectionneur
Daniel Constantini, patron des Bleus de 1985 à 2001 : « Il n’était pas difficile à repérer ! C’était le meilleur buteur des Juniors et son sélectionneur ne tarissait pas d’éloge. J’étais allé le voir disputer un France-Russie, du côté de Pornic. Il avait marqué 12 buts avec une facilité déconcertante. Il avait un gabarit hors-norme. On n’a pas tout de suite vu qu’il serait le grand joueur qu’il est devenu, bien sûr, mais on s’est dit qu’on tenait l’artificier dont on rêvait ! »
Le jour où il s’est dit que sa carrière était dingue
Jérôme Fernandez : « Après les JO de Pékin. Je me suis rendu compte que j’avais gagné les trois titres avec l’équipe de France, que je jouais au Barça, que j’avais gagné la Ligue des champions… C’était au-delà de toute espérance. Quand j’étais jeune, je me disais "si tu joues en première division, ce sera déjà super !" J’aurais jamais imaginé arriver si tôt en équipe de France, gagner autant de titres, faire un tour d’honneur avec la Ligue des champions dans le Nou Camp devant 100.000 socios… C’est magique ! »
La fois où son coach s’est dit « il est fait pour être entraîneur »
Claude Onesta (quasi père spirituel) : « On l’a remarqué très tôt. Il fait partie de ceux qui ont une compréhension et une connaissance tactique la plus développée. Parmi des joueurs avec un même vécu, certains vont déchiffrer le jeu avec pertinence, d’autres pas du tout. Jérôme n’est pas devenu bon par obéissance ou par apprentissage répété. C’est quelqu’un qui a une capacité très naturelle pour adapter le jeu. Et ça, c’est un élément important pour réussir sur le banc ! »
Sa plus grande déception sur le terrain
Jérôme Fernandez : « Les JO d’Athènes. Jackson ( Richardson) était porte-drapeau, c’était une grande fierté pour le handball qui était encore un peu dans l’anonymat à l’époque. On pensait faire un podium. Et on se fait piéger en quart de finale contre la Russie. Ça nous a laissé un immense sentiment de gâchis, par rapport à notre effectif, par rapport à Jackson. »
Quand il a pris le brassard de capitaine des Bleus
Didier Dinart : « C'était d'abord un très grand joueur, son nombre de buts, son palmarès parlent pour lui. C'était un très bon capitaine aussi : un capitaine relativement positif, plutôt consensuel. Il apaisait les tensions dans un groupe avec beaucoup d'egos ! Il servait de tampon ! »
Quand Onesta l’a poussé hors de l’équipe de France…
Claude Onesta : « J’avais une vision pour l’équipe de France. Je pensais qu’il serait plus utile dans le staff que dans l’équipe pour les JO de Rio. Pour lui, ça passait par le terrain. Ma sortie médiatique ? Je n’aime pas laisser les histoires floues. Et la mission qu’on m’avait confiée, ce n’était pas de faire des commémorations, c’était de construire ce qui nous permettrait de continuer à performer. »
« On a une relation forte avec Jérôme, je suis allé le chercher chez ses parents quand il avait 18 ans (pour l’emmener à Toulouse). La fin de l’histoire est un peu compliquée, un peu plus douloureuse, mais… (il se reprend) L’histoire n’est pas finie ! »
… Et que Fernandez en garde une petite frustration
Jérôme Fernandez : « C’est digéré… Je suis rentré très tôt en équipe de France, j’ai tout connu, tout gagné ! On ne peut pas tout avoir dans la vie, et j’ai déjà eu beaucoup. J’ai vécu les Jeux par procuration en tant que consultant. C’était jouissif jusqu’à la finale, qui était un peu frustrante : j’étais là, avec mon micro, et je sentais que le match avait basculé pour les Danois. Qu’il fallait peut-être faire rentrer de l’expérience… Et que je n’y étais pas ! »
Quand il va définitivement raccrocher
Jérôme Fernandez : « Non, je n’aurai pas la gorge nouée. C’était une année bonus pour compléter l’effectif, je pensais arrêter l’année dernière. Très sincèrement, j’ai aussi hâte que ça se termine, de me mettre à fond dans mon rôle d’entraîneur, de ne plus ressentir la fatigue physique des entraînements et des matchs. L’adrénaline, je l’ai sur le banc. J’avais peur de ne pas ressentir ça mais je suis rassuré, je l’ai touché du doigt cette année : je prends autant de plaisir à coacher qu’à jouer ! »