Combien ça coûte, le Tour de France à Marseille? Pour l'instant, c'est le flou artistique
ENQUETE•Un contre-la-montre décisif devant 67.000 personnes au Vélodrome, ça va être énorme, c'est clair. Mais c'est pas donné...Jean Saint-Marc
L'essentiel
- La mairie n'a pas encore tout budgété mais évoque un coût total proche des 400.000 euros.
- Des voix discordantes évoquent des montants beaucoup plus élevés...
Pour vous, ce sera gratuit. Mais si vous rêvez de voir le triomphe de Froome, de Contador ou de Bardet (!) le 22 juillet au Vélodrome, grouillez-vous : les places sont à réserver sur le site letour.marseille.fr. 67.000 billets gratuits, donc, pour les amateurs de vélo. Mais pas pour les contribuables marseillais.
C’est une évidence : faire venir le Tour de France coûte cher. Etre à la fois ville départ et ville arrivée coûte encore plus cher. Et transformer un stade de foot en rampe de contre-la-montre coûte… Bien plus encore ! Combien exactement ?
« On n’a pas encore tout chiffré », lâche Richard Miron, l’adjoint Les Républicains en charge des sports à la mairie de Marseille. « Et puis bon, ça coûte ci, ça coûte ça, moi ça ne m’intéresse pas. Ce qui m’intéresse, c’est combien ça rapporte, les images de Marseille dans le monde entier, les hôtels pleins », s’enflamme ce passionné de cyclisme, qui a reconnu le parcours avec Alberto Contador en début de semaine (« J’ai tenu jusqu’à la moitié et il m’a lâché… Mais c’est comme jouer au foot avec Messi, c’était merveilleux »). Tout ça est bien sympa, mais ça ne ne répond pas à notre question. Alors on insiste un peu, et on sort la calculette.
Un premier chèque de 160.000 euros à l’organisateur
Pour accueillir un départ ou une arrivée d’étape, les villes doivent faire un joli petit chèque à l’organisateur, Amaury Sport Organisation. Le « prix catalogue » n'est pas vraiment secret et circule un peu partout ( ici ou là, par exemple) : 65.000 euros pour un départ d'étape, 110.000 euros pour une arrivée, et 160.000 euros pour un départ et une arrivée (oui oui, y a un système de promo).
Au bout du fil, Richard Miron acquiesce : c’est bien ça. Et son opposant Benoît Payan, président du groupe socialiste de la ville de Marseille, ne s’énerve même pas : « On sait bien qu’ASO braque les collectivités, mais c’est comme ça… Toutes les villes payent et Marseille ne peut pas se recroqueviller sur elle-même ! »
+ 200.000 euros pour les frais de sécurité et de nettoyage au Vélodrome
Pour le Tour de France, la mairie de Marseille espère battre le record de fréquentation au Vélodrome, et faire venir plus de 65.252 spectateurs. Autant de personnes qu’il faudra gérer, accueillir, palper, fouiller, encadrer et dont il faudra effacer les traces après coup. « La sécurité, le nettoyage…. On appelle ça “armer” le Vélodrome, précise Richard Miron. Cela coûte à peu près 200.000 euros. » Un chiffre que confirme Martin d’Argenlieu, directeur général de l’Orange Vélodrome : « 200.000 euros, ou un peu moins, ce sont les frais normaux, pour tous les matchs ou événements au stade. »
+ 50.000 euros pour le bitume
OK, OK, jusque-là, on suit. Mais il reste quand même un petit truc à éclaircir : comme son nom ne l’indique pas, le Vélodrome n’est plus vraiment conçu pour accueillir des compétitions cyclistes. Et on voit mal Froome sauter de son vélo de contre-la-montre pour finir en VTT sur la pelouse du Vél'.
« On va construire deux routes, en arc de cercle, de 170 mètres de long pour six à huit mètres de large », détaille Martin d’Argenlieu. Pour quel budget ? « Ça coûte que dalle, le bitume », s’emporte Richard Miron, qui évoque une fourchette entre 40.000 ou 50.000 euros, à la charge de la mairie. « C’est en cours d’estimation avec différentes sociétés, mais ça devrait tourner autour de cela », confirme d’Argenlieu.
= 410.000 euros au total ? Pas sûr, pas sûr…
L’opposant Benoît Payan, en Saint-Thomas du conseil municipal, ne croit que ce qu’il vote. Et pour l’instant, la venue du Tour n’est pas à l’ordre du jour. « Le conseil n’a pas été informé. Mais on sait comment ça se passe, on va nous dire 400.000 et ça va se finir à un million ! » Ce montant de 50.000 euros pour les travaux au Vélodrome le chiffonne particulièrement : « Quand on voit le prix d’un rond-point… »
A 20 Minutes, on l’avoue, on ne connaît pas de tête le prix d’un rond-point. Mais on s’est renseigné, et on a passé un coup de fil à un maître d’œuvre en travaux publics. Alors, c’est crédible, le coup des 50.000 euros ? « Rien que pour le bitume, il faut compter 10 à 15 euros le mètre carré. » Ajoutez à ça la main-d’œuvre (peut-être des employés municipaux, OK), le matos, le gravier sous l'enrobé, les plaques sur la pelouse… « Et puis, ils vont bosser au Vélodrome les mecs, pas en plein champ… Donc il va falloir faire tout ça avec des pincettes, à la petite cuillère », reprend notre expert, qui estime qu’il faut compter « au moins le double ».
« « 340.000 spectateurs au total, toutes les télés ! Hé ben ouais, ça coûte des ronds ! » »
A ce stade de la lecture, vous avez pigé : à deux mois et demi de l’échéance, le plus grand flou artistique règne sur le sujet. Nos confrères de Libération vont jusqu’à évoquer un budget total de 800.000 euros pour la ville de Marseille et les autres collectivités locales. La région PACA et le Conseil départemental, contactés par 20 Minutes, indiquent qu'ils ne financeront pas la venue du Tour à Marseille.
Et Richard Miron, lui, balaie tout ça d’un revers de la main. Quitte à s’enflammer un peu. Voilà ce que ça donne, sur la longueur :
« « La vérité, c’est que Marseille capitale du sport, c’est un succès. Et ça, nos opposants, ils l’ont en travers. Et ils veulent nous emmerder. Mais avec leurs scores pourris aux élections, qu'est ce qu'ils viennent nous chauffer avec ça ? C’est pas beau le Tour de France à Marseille ? 340.000 personnes dans les rues (selon l’estimation d’ASO), toutes les télés ! Hé ben ouais, ça coûte des ronds ! » »
Pour savoir combien exactement, il faudra patienter encore un peu…