Les rackets sur les chantiers à Marseille, une «gangrène» pour la procureure qui requiert jusqu'à cinq ans de prison ferme
JUSTICE•Neuf personnes sont jugées cette semaine à Marseille...J.S.-M. avec AFP
C’était un procès très symbolique qui se tenait cette semaine à Marseille : le procès de neuf personnes accusées d’extorquer emplois et contrats à de grands noms du BTP… Mais en fait le procès de cette pratique tout entière, très répandue à Marseille.
« La paix sociale ne s’achète pas », a lancé la procureur Sophie Mercier dans un réquisitoire très sévère contre cette « gangrène ». Elle a requis contre les neuf prévenus jusqu’à sept ans de prison, donc cinq fermes.
Des spécialistes du racket
Menaces armées, incendies d’engins de BTP, chantiers bloqués : en 2015, dans les quartiers Nord de Marseille « les conditions de travail deviennent tellement difficiles que les entreprises ne veulent plus venir », a-t-elle rappelé. Surtout après que trois engins de chantier, dont une grue à deux millions d’euros, ont été incendiés…
Sur les bancs des prévenus, « on se gargarise avec une certaine hypocrisie de (ses) origines » sociales modestes « pour instrumentaliser une population en difficulté, qui n’en demandait pas tant », s’est énervé la magistrate.
« « Je vais lui dire "nous, à Marseille, pour 50 euros, on plante, on tire, on fait le bordel" » »
Les peines les plus lourdes ont été requises à l’encontre des quatre Marseillais cités par plusieurs victimes comme les responsables du racket :
- Sept ans de prison dont deux avec sursis ont été requis contre Rafik Zeroual, le gérant de la société Télésurveillance Gardiennage Intervention (TGI). Pour TGI, le racket était « une activité intégrée, habituelle », selon la procureure. L’homme de 43 ans en tirait 7.000 à 8.000 euros par mois.
- Même réquisition pour ses deux hommes de main présumés : Halid Compaoré, 39 ans, et Hadj Abdelkrim Bensaci, 41 ans. Ils sont accusés d’avoir terrorisé chefs de chantier et cadres de plusieurs entreprises pour arriver à leurs fins. Le second, dans une écoute lue lors du réquisitoire, affirmait vouloir menacer un responsable de chantier et ses enfants : « je vais lui dire "nous, à Marseille, 50 euros, on plante, on tire, on fait le bordel" ».
- Le quatrième rouage essentiel de ce « système organisé », selon l’accusation, est Karim Ziani, 45 ans, qui « pratiquait habituellement la menace et la pression ». Il aurait conduit les entrepreneurs, à la recherche d’un relais auprès de la population, dans la gueule du loup, les gros bras de TGI. Cinq ans de prison ferme ont été requis à son encontre.
Depuis l’arrestation de ces quatre principaux prévenus, « force est de constater que seuls des problèmes marginaux se sont posés » aux entreprises de BTP à Marseille : plus de « destructions d’engins spectaculaires sur les chantiers, plus de plaintes pour extorsion », s’est félicitée la procureure.
Elle a requis d’un an de prison avec sursis à un an ferme contre les cinq autres prévenus.