Bouches-du-Rhône: «Grâce à ce logement provisoire, j'ai repris possession de ma vie», explique Marie, ancienne femme battue logée par SOS Femmes 13
TEMOIGNAGE•Après avoir vécu pendant trois ans l’enfer auprès de son ex-compagnon, Marie remonte doucement la pente dans son appartement réservé aux femmes battues…Mathilde Ceilles
Ce mercredi, le département des Bouches-du-Rhône a décidé d’octroyer 20 logements du bailleur social 13 Habitat à l’association SOS femmes 13, qui héberge d’ores et déjà des femmes battues dans plusieurs résidences partout dans le département (lire encadré). Marie, 30 ans (le prénom a été modifié, N.D.L.R.) vit depuis presque un an dans l’une d’elles. Elle témoigne.
Pourquoi avez-vous intégré cet appartement ?
J’ai vécu pendant huit ans avec mon ex-compagnon. Et j’ai subi des violences les trois dernières années. Il m’a coupé de tout, il me séquestrait… Quand j’ai appris que j’étais enceinte de cinq mois, j’ai décidé de partir. Si je ne pouvais pas me sauver moi, il me fallait sauver ma fille. J’ai pris la voiture et j’ai roulé. C’était un vendredi, en plein hiver. J’ai appelé le 115 (le SAMU social). Ils m’ont redirigé vers un hôtel. Mais c’était une solution d’urgence qui ne durait que trois jours.
Pendant des mois, j’ai traîné comme ça, d’hôtels en hôtels. Quand je ne trouvais pas, je dormais dans la voiture. (Silence). Ouais, c’était dur. Mais pas le choix. J’ai eu ensuite une place dans un foyer d’hébergement d’urgence. Mais cela ne durait qu’un mois. Quelques jours avant la fin, l’association SOS Femmes que j’avais contactée avant m’a appelé. On m’avait parlé d’une résidence qui se construisait. Et là, il y avait une place. C’était en avril. J’étais à sept mois de grossesse. J’ai pleuré de joie. C’était un soulagement, je me demandais où j’allais accoucher
Ce n’est pas comme un foyer ici, pas de cafard, un vrai lit, de jolis meubles. C’est le grand écart. Tout est fait pour qu’on s’y sente bien, c’est cosy. Il y a des tableaux au mur, des coussins ! (rires).
Et puis on n’est pas à la rue. C’est des contrats de trois mois, renouvelables. J’ai passé une grossesse terrible, et j’ai pu la finir sereinement. C’est la directrice de la résidence qui m’a accompagné à la maternité, le 3 juin dernier. Quand je suis revenue avec la petite, y’avait un landau, une baignoire pour bébé… C’est adorable. Et ma fille est devenue leur mascotte ! Je ne suis pas seule. Ça fait du bien.
Qu’est-ce que cela vous a apporté ?
Avant tout de la sécurité. C’est un sentiment que je n’avais pas éprouvé depuis longtemps. On est enfin loin des gens qui nous traquent… Avant, mon ex-compagnon me retrouvait toujours. Là, j’ai pu me poser, changer de téléphone fixe. Grâce à ce logement provisoire, j’ai repris possession de ma vie, petit à petit. Un vrai appartement, une vraie vie.
Il y a toujours quelqu’un, cela a un côté rassurant. Je n’ai pas de problème d’autonomie, mais j’avais perdu tellement d’estime de moi-même. Cela me paraissait impossible. Le personnel nous aide dans nos démarches, dans les papiers, pour trouver un appartement, un moyen de garde pour la petite. Il vous rassure. C’est libérateur de se rendre compte que tout le monde n’est pas néfaste, et que tous les hommes ne sont pas comme ça.
Comment envisagez-vous l’avenir ?
Avant, avec mon ex-compagnon, je n’envisageais pas l’avenir. C’était un tableau très sombre. Ici, avec le travail de chacun, je peux me retrouver, en tant que personne. Je réenvisage la vie. J’aimerais reprendre le travail. Je cherche un appartement pour ma fille et moi, je me sens prête depuis longtemps. J’ai créé des liens avec les autres femmes hébergées ici. J’ai retrouvé une vie sociale. Je voudrais avoir une vie stable et sereine, entamer une formation. Et si j’avais été ailleurs que dans cet appartement, ça ne se serait pas passé pareil. Et ça fait du bien.