Tuerie d'Istres: Le procès débute ce jeudi, ce qu'il faut savoir
JUSTICE•Le 25 avril 2013, une fusillade avait fait trois morts à Istres…Mathilde Ceilles
Ce jeudi, et jusqu’au 13 janvier, la cour d’assises des Bouches-du-Rhône tentera de faire toute la lumière sur la tuerie d’Istres survenue il y a trois ans. Trois personnes sont décédées à la suite de cette fusillade.
Quels sont les faits ? Le 25 avril 2013, vers 14 heures, le jeune Karl Rose, 19 ans, sort de chez lui après s’être disputé avec son père au sujet de la vaisselle à faire. Suite à cette brouille futile, le jeune homme déterre une arme cachée deux mois plus tôt dans un bois, avant de déambuler au hasard dans les rues d’Istres, au bord de l’Etang de Berre.
Son chemin croise celui de Serge, 45 ans, et Patrice, 36 ans. Les deux voisins bricolent alors devant chez eux, dans une impasse. Avec l’arme en mode semi-automatique, Karl Rose fait feu à onze reprises et tue les deux hommes.
Puis, il rebrousse chemin et tire plusieurs fois sur le véhicule d’une troisième victime, Louisa. Une balle frôle sans la toucher cette travailleuse familiale, blessée par les éclats de verre. Karl Rose monte à bord du véhicule et demande à la conductrice de l’emmener à Paris. Cette dernière lui rétorque qu’elle préfère mourir plutôt qu’obtempérer. Devant ce refus catégorique, Karl Rose descend du véhicule et lui laisse la vie sauve.
Le jeune homme arrête alors un second véhicule. Il ouvre la portière et après un bref échange, tire à plusieurs reprises sur Pierre, le conducteur, mortellement blessé.
Karl Rose met un nouveau chargeur, s’éloigne à pied, puis jette l’arme dans les fourrés avant de s’asseoir sur un banc. Dix minutes plus tard, il fait de grands signes à un véhicule de police et se livre.
Qui est le suspect ? La personnalité de Karl Rose, 19 ans, sera certainement au cœur des discussions à venir au cours de ce procès. La question de son discernement au moment des faits est un point clé chez ce jeune homme présentant « d’importants troubles psychiatriques », comme le souligne Maître Yannick Le Landais, l’un de ses avocats. Les expertises judiciaires n’ont pas relevé chez lui de maladie psychiatrique chronique, mais « une personnalité pathologique de nature schizoïde » et un trouble psychique au moment des faits qui aurait altéré son discernement.
« On a l’impression d’excuser cette personne au regard de ces problèmes mentaux », affirme Philippe Daumas, un des avocats de la partie civile. « Les psychiatres sont partagés sur ce suspect, et la question de l’altération du discernement va participer au débat. »
Dans cette affaire, l’enjeu est de taille : selon le Code pénal, si le discernement est reconnu, le suspect, qui risque la réclusion à perpétuité, ne pourait encourir plus de trente ans de prison pour ce crime.
Outre ces troubles, les avocats du suspect, placé en détention provisoire depuis trois ans, plaide une « une histoire familiale perturbée », pour reprendre les termes de son avocat. Karl Rose entretenait des relations exécrables avec sa mère, alcoolique, dépressive et décrite comme tyrannique, qui l’a élevé jusqu’à 14 ans, avant qu’il ne s’installe chez son père.
Le jeune homme est également un habitué des jeux vidéo de guerre. « Dès l’âge de trois ans, il a eu entre les mains des jeux vidéo violents. Il n’était pas assez armé psychologiquement pour affronter cela », affirme la défense. « Il éprouve des difficultés à discerner le bien du mal, le réel du virtuel. ».
Suite à son interpellation, le jeune homme tient en outre des discours extrémistes et racistes. Sur Internet, il aurait fait des recherches sur « Alkaida » ou encore « attentat ». Pour autant, ses avocats répètent qu’il n’est le militant d’aucune cause, et qu’il « ne se revendique de rien du tout ».
Comment s’est-il procuré une arme ? Le suspect est également passionné par les armes. Selon les enquêteurs, l’accusé s’est constitué un petit pactole en achetant sur Internet des armes de poing neutralisées qu’il remettait en fonctionnement. Avec cet argent, le suspect a pu se procurer un fusil d’assaut qu’il a remis en état.
De quoi interpeller les avocats de la partie civile, qui notent que « ces techniques ne sont pas à la portée de tout le monde. ». Et d’ajouter espérer « comprendre cet acte » à l’issue du procès. « Comment un homme pareil peut se promener librement, qui plus est avec une arme ? », interroge Me Dominique Mattéi, avocat de la partie civile.
Que risque-t-il ? Karl Rose risque la réclusion à perpétuité. « Mon client est très anxieux, au regard de la peine encourue », affirme Me Thierry Ospital, l’un de ses avocats. « La prison toute sa vie, ce n’est pas la meilleure des perspectives, et il en est bien conscient. » Et d’ajouter : « Mon client a la volonté de ne pas travestir les faits, et d’assumer sa responsabilité dans ce dossier ».