VOILEAmerica's Cup, le royaume des espions du nautisme

L’America’s Cup ne vous intéresse pas ? Ces histoires d’espionnage vont vous fasciner

VOILEDans cette régate vieille de 165 ans, savoir se renseigner est aussi important que savoir naviguer...
Christine Laemmel

C.L.

, Toulon (Var) accueille une étape de la régate la plus impressionnante au monde. Des bateaux qui coûtent des dizaines de millions d’euros, qui triplent la vitesse du vent et réunissent les meilleurs skippers de la planète. Mais surtout, la est une des compétitions sportives où l’espionnage fait partie du jeu.

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Comme en Formule 1, si le talent des navigants pèse, la réussite vient aussi des prouesses techniques de chaque camp. Evidemment, les innovations ne sont pas étalées sur la place publique. Découvrir le matériel d’en face est devenu au fil des années un véritable « jeu de piste », comme nous le raconte , responsable du réglage de l’aile de l’AC45 du Team France Groupama.

Espion à temps plein

Il y a l’espionnage assumé. Lorsqu’on sort le bateau pour le mettre à l’eau, c’est le moment de voir la partie immergée. « On fait des photos, des vidéos, explique le marin, en respectant la distance légale de 150 mètres ». Il s’agit surtout d’observer les foils, ces appendices qui permettent au bateau de survoler l’eau. « La différence se fait surtout sur ça, poursuit-il, trouver l’équilibre entre un foil qui permet de voler facilement ou un autre qui permet d’aller vite ». Quand ils naviguent en entraînement, les équipages sont habitués à être suivis d’une nuée de Zodiac. La démarche est admise et pratiquée de tous. Le Team France a d’ailleurs organisé deux « missions » aux Bermudes cette année, dont l’unique but était d’observer les Suédois, Américains et Japonais. « Et eux sont venus à Brest pour nous voir ».

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Des membres de chaque équipe sont même entièrement dédiés à la surveillance des adversaires. En 2007, Oracle, l’équipe des Etats-Unis, a engagé six personnes pour une mission de reconnaissance sur Alinghi, le navire des Suisses. L’un d’entre eux a été interrogé par la police après avoir photographié les installations de l’usine près de Montreux. L’homme avait même réalisé un tracé GPS de tous les points de mesure, pour reproduire les proportions déduites des photos. « Il projetait d’installer un poste de surveillance discret en surplomb de l’usine », assurait Lucien Masmejan, un des avocats d’Alinghi au Parisien. Alain Gautier, espionneur officiel d’Alinghi, raconte lui dans Sud-Ouest, en 2013, sans se cacher : « Depuis une semaine, j’y suis affecté à temps plein (…) Parfois, on est un peu trop près et ils viennent nous chasser (…) On dispose d’un radar, d’un laser, de tous les outils pour analyser les performances du bateau et le vent du moment. »

Un homme-grenouille sous la coque

En 1985, un homme a même tenté de vendre le dessin de la quille des Britanniques pour 25.000 dollars. En 1992, un plongeur français a été repéré sous la coque du bateau des Japonais. Dans les années 90, « il y avait vraiment une mode de l’espionnage, commente Thierry Fouchier, c’était le grand jeu ». On tente alors de s’introduire sur les bases adverses par effraction ou on équipe des bouées de mouchards. La protection tourne à la « parano », comme le décrit bien Rod Davis, coach des Néo-Zélandais : « Les hélices ont parfois tendance à disparaître du jour au lendemain du bateau de l’espion. On a vu des jeux de guerre avec du paintball sur l’eau. » En 1995, en guise de vengeance, un équipage a été déshabillé, ses vêtements volés.

Si bien que l’organisation se voit obliger d’intervenir. Surveillance sous-marine et aérienne sont interdites. En 2007, ce sont les « jupes », destinées à cacher les quilles des bateaux, qui disparaissent. Les concurrents doivent ensuite respecter une distance de confidentialité de 200 mètres, réduite plus tard à 150 mètres. La Team Oracle en fera les frais en 2013, écopant de cinq jours d’interdiction de naviguer et de 11.000 euros d’amende, pour s’être approché trop près de Luna Rossa, le bateau italien.

Depuis cette dernière édition les règles ont changé. Coques, poutres et une partie de l’aile sont identiques sur tous les bateaux. Depuis on parle davantage « d’observation », rectifie Thierry Fouchier. Mais la filouterie est toujours de mise. « Les équipages essaient parfois de se mettre à l’eau très tôt ou très tard, pour éviter d’être suivi, rapporte le navigateur. Du coup, tout le monde guette la sortie des autres et on voit débouler des Zodiac à toute vitesse qui essaient de nous rattraper. C’est un vrai jeu de piste ». Pour voir qui a gagné la chasse au trésor, rendez-vous ce week-end dans la rade de Toulon.