ÉCONOMIELes commerçants s'inquiètent de l'augmentation de leurs loyers

Marseille: Les commerçants s'inquiètent de l'augmentation de leurs loyers

ÉCONOMIEAvec la rénovation urbaine, les loyers commerciaux ont explosé ces dernières années...
Mickael Penverne

Mickael Penverne

Les commerçants du centre-ville de Marseille tirent une nouvelle fois la sonnette d’alarme. Confrontés à la concurrence des centres commerciaux qui se multiplient à Marseille et dans les Bouches-du-Rhône, ils s’inquiètent aujourd’hui des loyers commerciaux qui « sont en train d’exploser ». « Les bailleurs ne voient souvent que les chiffres qui sont au bas du tableau. Mais l’économie, ce n’est pas que ça », a lancé mercredi Alain Gargani, président de la CGPME 13, lors d’une conférence de presse.

Patrick Bouhnik est le gérant d’une bijouterie du bas de la rue de la République. En 2003, lors du renouvellement de son bail, le propriétaire avait déjà tenté d’obtenir une augmentation du loyer. L’affaire s’était terminée devant le tribunal de commerce. Neuf ans plus tard, rebelote. Nouvelle procédure judiciaire. Aujourd’hui, le commerçant semble à bout de nerfs : « Nous sommes acculés et tous les jours, on attend le couperet ». Sa conclusion : « Le centre-ville est anéanti ».

Des facteurs locaux de commercialité

Le phénomène ne semble pas concerner pas que les artères populaires, comme la rue de Rome qui a perdu une soixantaine de boutiques avec les travaux du tramway. Désormais, même les rues « chics » de l’hyper-centre, comme les rues Paradis ou Grignan, sont touchées par la carence commerciale qui concerne entre 10 et 12 % de boutiques du centre-ville, selon l’adjointe au maire Solange Biaggi. Les commerçants la situent plutôt à 20 %. La moyenne nationale, elle, se situe à 7,8 %.

La plupart des baux commerciaux sont signés pour une durée de neuf ans. Au moment de leur renouvellement, la plupart des bailleurs demandent une revalorisation, qui peut atteindre, selon les secteurs, trois, quatre voire cinq fois la valeur initiale. Pour justifier ces augmentations « pharaoniques », dixit Alain Gargani, les propriétaires se basent sur des « facteurs locaux de la commercialité » du quartier, explique l’avocate spécialisée Isabelle Thibaud.

Rue Paradis à Marseille.
Rue Paradis à Marseille. - MickaÎl Penverne / 20 Minutes

Des sommes incompressibles

Parmi ces critères, on trouve notamment l’évolution de la population, la construction de logements et de parkings, l’arrivée de nouveaux transports en commun, l’aménagement des rues et des trottoirs et même la rénovation des façades. Autrement dit, les bailleurs profitent de la rénovation urbaine, menée par les collectivités, pour augmenter leurs loyers. Le problème, c’est que ces augmentations ont pour effet de faire fuir les commerçants indépendants et donc de réduire l’attractivité du centre-ville. Retour à la case départ.

A Marseille, les loyers seraient passés de moins de 100 euros le mètre carré à plus de 400 euros le mètre carré en 7 ou 8 ans, assure Isabelle Thibaud. Quand la négociation avec le bailleur devient impossible, ces hausses sont contestées devant le tribunal de commerce. Mais la procédure durant plusieurs années, les retards de paiement s’accumulent et quand vient l’heure de régler, « les commerçants se retrouvent devant des sommes incompressibles ». Pour la plupart, c’est la liquidation qui les attend.

Les modérateurs

Selon Audrey Lucchinacci, présidente de l’association des commerçants du 4/5, une vingtaine de commerces se retrouverait chaque mois devant le tribunal de commerce. « Même si l’on sait que les bailleurs font parfois de gros investissements, la réalité, c’est que les commerçants ne sont pas capables de payer 500 euros le mètre carré ». Ils demandent donc - une nouvelle fois - l’aide de la mairie. En mars, ils avaient réclamé la création d’une zone franche en centre-ville, comme à Toulon.

Quelques semaines plus tard, Jean-Claude Gaudin avait envoyé un courrier à Manuel Valls pour lui demander d’instaurer un « Territoire entrepreneur », le dispositif remplaçant les ZFU depuis le 1er janvier 2015. Cette fois, les commerçants lui demandent de jouer les « modérateurs » entre les bailleurs et les commerçants pour faire baisser les loyers. Présente à la conférence de presse, Solange Biaggi a indiqué simplement qu’elle était « en train de voir ».

La rue de la République et ses fausses vitrines.
La rue de la République et ses fausses vitrines. - Mickaël Penverne / 20 Minutes

Adaptation au marché

Selon les commerçants, certains bailleurs préféreraient laisser leurs locaux inoccupés plutôt que de baisser leur loyer. « Et c’est comme cela qu’on arrive à des rues fantômes », souligne Audrey Lucchinacci. Exemple avec la rue de la République. Malgré d’énormes travaux de rénovation, la deuxième partie de l’artère hausmanienne, propriété pour l’essentiel du groupe Atemi, demeure inoccupée à cause de loyers trop élevés. Alignant ses fausses vitrines en carton, elle a même été baptisée la « rue Potemkine ».

Aujourd’hui, seule la partie basse de la rue de la République, du Vieux-Port à la place Sadi-Carnot, attire encore les commerçants. Pour les retenir, l’ANF Immobilier, qui possède la plupart des cellules commerciales, a consenti à revoir à la baisse ses prétentions. Sans citer un seul chiffre, elle assure pratiquer désormais des loyers « abordables », y compris pour les commerçants indépendants. « On s’est adapté au marché, tout simplement », souligne Cyrille Beignon, responsable de la commercialisation.