OM: Il a photographié les supporters «d'avant»
FOOTBALL•Lionel Briot, photographe marseillais, dévoile des photos prises il y a plus de 10 ans...C.L.
Lionel Briot aime faire les choses lentement. Pour cuisiner comme pour faire des photographies. Son ouvrage, Vélodrome : le douzième homme, sort le 26 mai, 10 ans après sa dernière photo de supporters et à quelques jours du début de l’Euro.
Depé, le « guide spirituel »
Sur les clichés, un mec torse nu crève les yeux en noir et blanc. Depé,Patrice De Peretti, fondateur des MTP (Marseille Trop Puissant). « C’est mon guide spirituel, avance l’artiste en déroulant calmement ses mots, c’est lui qui m’a montré ce que sont les supporters. » La barbe grisonnante, le photographe tape du poing sur la table comme pour illustrer la rudesse du bonhomme. « Il m’a dit : "Tu viens en déplacement, tu vas voir". »
Et Lionel a vu. « J’utilisais un boîtier léger et je me baignais dans la foule, raconte le photographe. Il a fallu un certain temps pour que je fasse partie du décor. » Deux ans environ avant de lancer la machine en 98. « Je n’utilisais jamais de zoom. Si j’accrochais le regard, ce n’est pas ce moment-là que je photographiais. » Les yeux du fan sont braqués sur le match. Qui se regarde, "dans les yeux des miens" », disait Depé.
Comme sur un coup de billard à trois bandes, le photographe saisit l’action dans le regard du supporter. Le dribble ou le but deviennent accessoires. Et aucun joueur ne lui a jamais donné envie de tourner le dos à la tribune. Il cite en exemple ces supporters non-voyants qui sont abonnés au Vélodrome. « Ils le vivent par le son, les voix, les chants, les cris. Si le délire est là, vous baignez dedans. L’émotion que ça procure est le plus important. »
« Ne pas parler trop fort »
Décédé en 2000, Depé reste le symbole du supporterisme marseillais. C’est-à-dire une « expression populaire », le stade comme « un endroit où les gens peuvent se libérer », avant d’être une enceinte sportive. « Les gros mots, et alors ?, s’emporte le photographe. Les gens, ils en disent chez eux, c’est pas le problème. Dans cet endroit-là, laissez-les. »
Lionel n’aime « pas dire que c’était mieux avant » mais liste malgré tout ce qui a changé, en mal, bien sûr. Les « je me selfie » (il mime le geste), ce besoin de « lisser », « manger sa glace » et « ne pas parler trop fort ».
Lui qui déteste la « photographie passive », a été subjugué par la « force des virages », et l’humain qui s’en dégageait. Il émane encore par bribes, parfois masqué sous un smartphone mais toujours « puissance 1.000 ».