Loi Travail: «Un des policiers m’a regardé dans les yeux et il m’a tiré dessus»
FAITS DIVERS•Les manifestations contre la loi Travail ont été émaillées de nombreux accrochages violents avec la police...Mickael Penverne
Après les 9 et 31 mars, et les 9 et 28 avril, place au 12 mai. Pour la cinquième fois en deux mois, et avant d’autres manifestations, les syndicats de salariés, d’étudiants et de lycéens appellent à marcher ce jeudi à Paris contre le projet de loi travail que le gouvernement veut faire adopter grâce l’article 49.3. A la veille de ce nouveau rassemblement, plusieurs jeunes manifestants ont témoigné mercredi dans les locaux du syndicat Solidaires, à Marseille, des violences qu’ils disent avoir subi de la part des policiers lors des précédentes manifestations.
Un tir de Flash-Ball dans la main
Candice, par exemple, est élève en seconde au lycée Honoré-Daumier, dans le 8e arrondissement. Elle a participé au défilé du 31 mars qui s’est achevé dans les gaz lacrymogènes autour de la place Castellane. Alors qu’elle assiste à l’interpellation « d’une violence inouïe » d’une jeune fille, elle hurle en direction des CRS : « C’est pour ça que vous vous êtes engagés ? Un des policiers m’a alors regardé dans les yeux et il m’a tiré dessus ». Candice dit avoir été victime d’un tir de Flash-Ball dans la main, dont l’impact lui a brisé le petit doigt.
Mais c’est la manifestation du 28 avril qui a causé le plus de dégâts. Rose était au défilé ce jour-là. Après l’issue de celui-ci, l’adolescente âgée de 17 ans se retrouve au cours Julien avec d’autres manifestants. Les CRS continuent de les repousser à coup de bombes lacrymogènes et de tirs de Flash-Ball. Ils vont vers le parc Longchamp, puis à la gare Saint-Charles où ils investissent les rails. Finalement, le petit groupe échoue dans le quartier Saint-Barthélemy où il se réfugie d’abord dans un bus, puis un petit commerce.
Au chat et à la souris
« Quand on est sorti, les policiers nous ont mis à terre et nous ont frappés avec leurs matraques », affirme la jeune fille. Elle aura trois jours d’ITT (interruption temporaire de travail). Rose est ensuite conduite à l’Évêché, le commissariat central de Marseille, pour 18 heures de garde à vue, enfermée seule dans une cellule avec un banc pour s’allonger. Sa mère mettra plusieurs heures avant de savoir où se trouvait sa fille. « Ce jour-là, il y a eu tellement d’arrestations que les services étaient complètement désorganisés », indique-t-elle.
Elle compte déposer plainte pour violences. « Ce sera sans doute classé sans suite mais c’est important pour elle, et pour tous les autres », explique-t-elle. Lors de la même manifestation, Lola, 16 ans, collégienne au lycée Marie-Curie dans le 5e arrondissement, remonte vers le palais Longchamp avec un groupe « pour tenir une AG ». Des violences éclatent autour de la place Le-Verrier. Les jeunes « jouent au chat et à la souris » avec les CRS qui envoient des bombes lacrymogènes pour les disperser.
Tir de flashball
Lola renvoie un de ces projectiles d’un coup de pied. Un policier la met en joue avec son Flash-Ball et lui tire dessus, raconte-t-elle : « Je l’ai pris dans le ventre. J’ai fait un bond en arrière et cela m’a coupé le souffle. » La jeune fille est envoyée aux urgences de la Timone où elle y passera la nuit. Résultat, six jours d’ITT. Le lendemain, l’adolescente porte plainte au commissariat des Chartreux (5e). « Tout le monde m’a dit que cela ne servait à rien mais il fallait que je le fasse, pour le symbole », dit-elle.
Le 28 avril, la police a procédé à 57 interpellations à Marseille. Un record en France. Après les accusations de violences et de « provocations » policières adressées par Solidaires et la CGT, le préfet de police, Laurent Nunez a justifié l’intervention des forces de l’ordre par des « violences inacceptables » perpétrées par des « casseurs ». Il a terminé son communiqué en saluant le « sang froid et le grand professionnalisme des policiers engagés ».