Marseille: Le petit livre vert de la «guérilla jardinière» est sorti
ENVIRONNEMENT•Les Passeurs de jardins publient le guide de la végétalisation des rues...Mickael Penverne
L’association Passeurs de jardins vient de publier un guide de la « végétalisation des rues de Marseille et des villes de l’espace méditerranéen ». Réalisé en partenariat avec le Laboratoire population environnement et développement de l’université d’Aix-Marseille et l’Ecole nationale supérieure de paysage, ce petit bouquin est un peu le petit livre rouge, ou vert, des jardiniers de rue puisqu’il s’adresse à tous les « végétaliseurs » qui pratiquent ou veulent se lancer dans la « guérilla jardinière ».
Née dans les années 70 à New York, cette forme d’action directe écologiste vise à occuper des endroits délaissés pour y faire pousser des fleurs, des arbustes voire des légumes. Ce mouvement est arrivé en France au mitan des années 90. La première action du genre s’est déroulée à Rennes en 1995. Après la démolition d’une maisonnette, les habitants du quartier ont planté des arbres et des fleurs sur le terrain laissé en friche.
Des encombrants devant la porte
Leur initiative a été contestée par la municipalité qui voulait leur interdire d’intervenir sur un espace public. Le bras de fer durera plusieurs mois. Finalement, l’association Rennes Jardin a signé une convention avec la mairie autorisant les actions « visant à permettre la végétalisation à titre précaire du domaine public ». Depuis, la « guérilla jardinière » s’est propagée partout en France, jusqu’à atteindre Marseille au début des années 2000.
Sam, dit « Germinator », et Raphaël sont les pionniers de ce mouvement dans la ville. Ce sont les premiers à avoir jardiné leur rue, le boulevard Honorine, une petite artère perpendiculaire à la rue de Lyon, dans le 15e arrondissement. « Nos voisins n’arrêtaient pas de déposer des encombrants devant notre porte », se souvient Sam- « Germinator ». Pour empêcher ces dépôts sauvages, ils ont eu l’idée d’installer des plantes pour créer un jardin dans la rue.
Une rébellion contre le bitume
Ils ont récupéré des grands bidons bleus dans lesquels ils ont planté des fleurs. Petit à petit, les voisins s’en sont mêlés et l’initiative a fait boule de neige. Désormais, le boulevard Honorine est surnommé la « rue des pots-bleus ». « Quand on y entre, on ne se sent plus en ville, on est complètement dépaysé, assure Raphaël. Pour nous, l’espace public mérite mieux que le béton ». « C’est notre petite rébellion contre le bitume », ajoute Sam-« Germinator ».
En 80 pages, le guide des Passeurs de jardins livre de nombreux conseils pour réussir sa jardinière en ville : quel pot (plastique ou terre cuite), quel engrais (organique ou compost), les outils nécessaires, les différentes plantes (de soleil, de bord de mer, d’ombre…). Aux « guérilleros verts », il donne également la recette des « bombes à graines » qui sont des boulettes remplies de graines pouvant être lâché au pied d’un arbre ou encastré dans la fissure d’un mur ou d’un trottoir.
Une atmosphère qui change
La végétalisation des rues ne sert pas qu’à embellir les rues. Elle a aussi un intérêt écologique. « La biodiversité régresse à cause du morcellement considérable des milieux naturels, explique Jacqueline Gambini, présidente de l’association Passeurs de jardins et rédactrice du guide. Il est capital de créer des continuités écologiques et végétales pour reconnecter la petite faune, comme les insectes ou les oiseaux, aux espaces naturels qui se trouvent aux abords des villes ».
Installer et prendre soin des plantes au pied de son immeuble présente un dernier avantage : c’est l’occasion de nouer des liens avec ses voisins. Quand Stéphanie et Fanette ont démarré leur plantation, rue de l’Arc en plein centre-ville, l’artère était sale, pleine de trous et plutôt mal fréquentée. Sept ans plus tard, son « atmosphère » a changé selon Stéphanie : « En occupant l’espace public, on a créé d’autres liens, de nouveaux contacts entre les habitants ».
Alors forcément, la jeune femme reste dubitative sur l’initiative de la mairie d’instaurer un « visa vert » (une autorisation) pour installer des jardinières et des pots de fleurs sur le trottoir. « Cela risque de casser la spontanéité du mouvement, explique-t-elle. Or, celle-ci est absolument nécessaire pour que cela fonctionne. Il faut que cela reste convivial et sans barrière. Ce n’est déjà pas facile d’occuper l’espace public, surtout quand d’autres l’occupaient avant vous… »
La version papier du guide est disponible sur commande (3 euros + frais de port) à l’adresse : [email protected].