OM: Mais au fait, pourquoi qualifie-t-on les footballeurs de «chèvres»?
FOOTBALL•Les supporters de l'OM ont fait défiler des images de caprins dans les travées du virage sud...C.L.
Dimanche soir dans les allées du virage nord du Stade Vélodrome, ont défilé des banderoles bien inhabituelles. Des chèvres, dessinées sur des pancartes en carton, ont parcouru le virage nord de long en large, dodelinant sur la musique de Benny Hill.
La scène a fait marrer tout le monde. Et le message était sans ambiguïté. Mais pourquoi associe-t-on un joueur médiocre à une chèvre ?
Œuvre du diable
« Parce que c’est con, une chèvre », nous répond un supporter de but en blanc. Sauf que non. Contrairement aux idées reçues sur les ruminants d’élevage, les caprins sont dotés d’une mémoire à long terme, comme les cachalots ou les éléphants. Elles sont donc plus capables d’apprendre que, par exemple, les poissons rouges.
L’explication vient d’abord de la mythologie, qui s'est employé, malgré une valorisation de la chèvre par les Grecs, à la déprécier siècle après siècle. Ce n’est pas pour rien que le diable est représenté avec un corps de biquette. La chèvre serait en effet la création du malin. Un conte catalan illustre la légende :
« « Dieu et le diable parièrent à qui ferait le coursier le plus beau et le plus vigoureux. Dieu fit le cheval. Le diable, pour surpasser l’œuvre de Dieu, chargea un petit démon d’aller espionner. L’émissaire raconta au diable que la créature divine avait une longue queue formée d’une poignée de poils réunis seulement par un bout et qui pendaient librement comme sur un plumeau, sur près deux empans de long. Pour surpasser Dieu, le diable fit à la chèvre une queue de sept aunes. Résultat, pendant la course, sa queue s’accrochait à tous les buissons et à toutes les plantes, l’empêchant de marcher. Furieux et honteux de cet échec éclatant, le diable coupa la queue de la chèvre d’un coup de dents. Sur la queue de la chèvre, on reconnaît encore la marque des dents du démon. » »
Plus récemment, Jean de la Fontaine s’est attaché lui aussi à dénigrer l’animal, en en faisant un modèle de stupidité, en 1691, dans sa fable « Les deux chèvres ».
« Dès que les chèvres ont brouté,
Certain esprit de liberté
Leur fait chercher fortune ; elles vont en voyage
Vers les endroits du pâturage
Les moins fréquentés des humains.
Là, s’il est quelque lieu sans route et sans chemins,
Un rocher, quelque mont pendant en précipices,
C’est où ces dames vont promener leurs caprices.
Rien ne peut arrêter cet animal grimpant.
Deux chèvres donc s’émancipant,
Toutes deux ayant patte blanche,
Quittèrent les bas prés, chacune de sa part.
L’une vers l’autre allait pour quelque bon hasard.
Un ruisseau se rencontre, et pour pont une planche.
Deux belettes à peine auraient passé de front
Sur ce pont ;
D’ailleurs, l’onde rapide et le ruisseau profond
Devaient faire trembler de peur ces amazones.
Malgré tant de dangers, l’une de ces personnes
Pose un pied sur la planche, et l’autre en fait autant.
Je m’imagine voir, avec Louis le Grand,
Philippe Quatre qui s’avance
Dans l’île de la Conférence.
Ainsi s’avançaient pas à pas,
Nez à nez, nos aventurières,
Qui toutes deux étant fort fières,
Vers (6) le milieu du pont ne se voulurent pas
L’une à l’autre céder. Elles avaient la gloire
De compter dans leur race, (à ce que dit l’histoire),
L’une certaine chèvre, au mérite sans pair,
Dont Polyphème fit présent à Galatée ;
Et l’autre la chèvre Amalthée,
Par qui fut nourri Jupiter.
Faute de reculer, leur chute fut commune.
Toutes deux tombèrent dans l’eau.
Cet accident n’est pas nouveau
Dans le chemin de la Fortune. »
Le poète fait ici du caprin un exemple d’entêtement, d’égoïsme et de fierté inutile. Voilà comment on arrive 400 ans plus tard à assurer qu’une chèvre, c’est idiot.
« Paresseux » et « incapable » en Provence
A Marseille, la chèvre recouvrirait en plus, une autre signification, tout autant négative, mais pas du tout liée à l’animal. Une chèvre, c’est aussi un outil de levage, utilisé sur les chantiers. Sur les ports de la ville, être préposé à la chèvre, était l’activité qui nécessitait le moins de compétence. Par extension, on a donné le nom de chèvre, à celui à qui on ne pouvait confier que des tâches peu complexes.
Plus simplement, un « cabrin », chèvre en provençal, « désigne un paresseux » ou un capricieux, explique Médéric Gasquet-Cyrus, maître de conférences au laboratoire Parole et Langage de l’Université Aix-Marseille et chroniqueur sur France Bleu Provence.
« En Provence, on le voit avec les chèvres du Rove [une race particulière qui porte le nom d’un village des Bouches-du-Rhône], les chèvres font partie du paysage ». Respectées pour le travail qu’elles ont donné aux anciennes générations, elles sont aussi moquées pour leur bêlement intempestif. Et pour leur capacité à brouter sans demander leur reste.
Une chèvre à Marseille est quelqu’un qui est considéré comme incapable dans sa fonction et par extension dans toutes les…
Posté par Je viens du Sud sur dimanche 1 février 2015
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Dès 1970 dans le foot
Mais alors, une fois le ridicule de l’animal établi, comment le mot a atterri dans la bouche des supporters ? A Marseille, le football irrigue toute la ville et réciproquement. Logique donc, que l’expression soit fréquemment utilisée dans les travées du Vélodrome. « Le mot a été transposé du langage courant au langage des supporters de football », confirme Alfred Wahl, historien du football. Baptiste Blanchet et Jean-Damien Lesay y voient, dans leur Dico du Parler Sport, une analogie avec « un joueur qui se contente de fouler l’herbe du terrain sans rien apporter à son équipe ».
On retrouve des traces de son emploi dans le monde du football, dès les années 1970 et 1978. Jean-Pierre Papin himself a été affublé du sobriquet animalier lors de sa première année à l'OM, en 1986. Du coup, même quand on a la chèvre, inutile de se prendre le chou (vous l'avez?), tous les espoirs sont permis.