Marseille: Un savonnier nantais lance un pavé dans le bain de l'IGP
tradition•La Savonnerie de l’Atlantique veut tout mettre en œuvre pour s’opposer à une indication géographie protégée sur le savon de Marseille…Caroline Delabroy
Dans la bataille des savonniers de Marseille, il faudra désormais aussi compter avec… Nantes. Le patron de la Savonnerie de l’Atlantique, qui fabrique depuis 1830 des savons selon le procédé marseillais, ne décolère pas des initiatives de ses confrères du sud-est pour obtenir une indication géographique protégée (IGP) sur le « savon de Marseille ». Depuis la loi Consommation de 2014, la chose est en effet possible sur les produits manufacturés. « Essayer de s’accaparer une appellation ou un fonds de commerce, c’est du protectionnisme », dénonce Yvan Cavelier, dont la société produit chaque année 6500 tonnes de savons de Marseille (sur une production totale de 8000 tonnes).
« Dans tous les ports de France, il y avait des savonneries où l’on fabriquait au chaudron selon le procédé marseillais », rappelle-t-il, rejetant l’idée d’un ancrage territorial et d’une IGP faite pour des « fabriques-musées ». Sa savonnerie, qui emploie 47 salariés, est l’une des dernières en France à avoir une capacité industrielle. Yvan Cavelier craint ainsi de voir arriver une IGP sur ce marché où il vend 30 % à l’export. « On me dit que j’aurai toujours le droit d’appeler mon savon "savon de Marseille", mais comment mes clients vont-ils réagir ? », s’inquiète-t-il.
Deux associations concurrentes
Côté marseillais, où l’on connaît très bien Yvan Cavelier, on comprend ses arguments, sans toutefois renoncer aux démarches pour obtenir l’IGP, bien au contraire. Sans surprise, l’Association des fabricants de savon de Marseille (AFSM), dont le spectre géographique dépasse déjà les Bouches-du-Rhône, a une position plus ouverte sur le sujet. « S’il est possible d’ouvrir l’indication géographique au niveau national, cela ne nous pose pas de problème, déclare son président Serge Bruna, également directeur de la Savonnerie de La Licorne. Notre but est avant tout de garantir au consommateur un produit de qualité ».
Pour les puristes de l’Union des professionnels du savon de Marseille (UPSM), qui réunit des savonneries au « savoir-faire traditionnel », le mot « géographique » a en revanche de l’importance. De même que les méthodes de fabrication. « Qu’est-ce qu’il y a de Marseille dans des savons parfumés, vendus dans différents coloris, fabriqués à base de graisse animale ou faits par des savonniers qui ne saponifient pas, autrement dit ne créent pas leur pâte à savon », énumère Raphaël Seghin, de la Savonnerie du Fer à cheval.
Pour lui, l’IGP doit permettre « d’expliquer au client ce qu’il achète ». « Quand un touriste vient à Marseille, il achète le plus souvent un produit qui n’a rien à voir avec le savon de Marseille », regrette ce défenseur d’un savon fabriqué dans le département, sans parfum, sans colorant, sans ajout, et à partir d’un corps gras d’origine végétale uniquement.
A l’Institut national de la propriété intellectuelle de se prononcer à présent sur les différentes chartes déposées par les associations marseillaises. La savonnerie de l’Atlantique prévient d’ores et déjà qu’elle «mettra en œuvre tous les moyens légaux à sa disposition, tant au niveau national qu’européen» pour s’opposer à une IGP.